Suite de la série sur Marcellienne Expilly.

Le procès de Marcellienne Expilly a eu lieu le 29 juin 1872. La plupart des journaux en ont rendu compte de façon très brève. Il a en effet été très rapide. L’avocat (d’office) s’appelait Maître Crochard.

Le journal L’Opinion nationale a pourtant pris la peine de dire un mot de l’accusée :

L’accusée est une nommée Amélie-Célestine Clairiot, âgée de vingt ans. Rien dans ses traits n’indique la férocité; elle répond vivement aux question qui lui sont posées.

Marcellienne, elle, a donné une de ses versions de l’histoire (je cite le même journal) :

Le 26 mai, j’ai rencontré une femme en larmes, tenant son enfant par la main ; elle pleurait, disait-elle, parce qu’un homme venait d’être arrêté et qu’elle craignait que ce ne fût son mari : c’était la femme d’un gendarme. Nous nous dirigeâmes vers La Roquette pour voir l’homme dont il s’agissait. Je craignais aussi ce ne fût le nommé Sauzer mon amant, qui faisait partie de la garde républicaine. En arrivant à la porte de la Roquette : « on n’entre pas, me dit un garde; encore si tu étais citoyenne !!!… Si tu prenais un fusil. » Je saisis cette occasion et je pris un fusil. Un enfant de quinze ans me mit alors une cartouchière à la ceinture. Nous entrâmes jusqu’à un bassin où des gardes, presque des enfants, jouaient avec l’eau; nous ne pûmes voir le gendarme, et nous sortîmes. Je jetai alors mon fusil, croyant n’être pas vue, mais un garde ivre s’écria: « C’est un[e] traître ! » On m’empoigna, on voulait me fusiller; enfin, on m’emmena à la mairie du onzième arrondissement, et on me relâcha.

L’unique chose que l’on apprit de la victime, c’est qu’il avait dit avoir neuf enfants. Les témoins étaient tous à charge. Un seul quart d’heure de délibération a suffi au jury unanime pour condamner « la fille Clairiot » à mort.
Son pourvoi en révision a été rejeté le 18 juillet 1872 (toujours sous le nom de Clairiot).

Cependant, l’enquête sur l’identité de la condamnée devenait urgente : des lettres venues d’Auxerre et de Charbuy n’en finissaient pas de démontrer qu’Amélie Clairiot avait passé toute la période de la Commune à Charbuy, etc., etc.
Pourtant, en réponse à une lettre du commissaire de police d’Auxerre, le maire de Charbuy (toujours M. Betagon) a répondu qu’Amélie avait quitté la commune depuis un an, que sa moralité laissait à désirer, que sa famille habitait Charbuy et qu’il y avait sept frères et sœurs — dont il a dressé la liste.
On pouvait ainsi apprendre que Joséphine, l’aînée, vivait avec son mari Isidore Pantaléon (je l’ai déjà nommé, parce qui a été témoin au mariage d’Amélie) à Paris et qu’Amélie habitait avec eux 26 rue de l’Argonne (hôtel meublé de l’Argonne), ainsi d’ailleurs qu’un jeune frère, Armand, né en 1854.

Et c’est ainsi que nous apprendrons, dans l’article suivant, un peu de vérité sur l’enfance et la première jeunesse de Marcellienne Expilly.

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L’image de couverture représente l’entrée d’un conseil de guerre, dessiné par Hubert Clerget — le dessinateur dont j’ai déjà utilisé, pour commencer cette série, l’image d’Auxerre. Je l’ai trouvée sur Gallica.

Source: Au SHD, le dossier en conseil de guerre GR 8 J 224. Merci à Maxime Jourdan pour ses photographies de ces documents.

Merci à Jean-Jacques Méric pour son aide.