Suite de la série sur Marcellienne Expilly.
Pour répondre à la demande du conseil de guerre, la gendarmerie d’Auxerre a écrit le 25 juillet 1872 qu’elle avait vérifié tous les registres d’état civil de l’arrondissement — à la main, à l’œil, en les feuilletant, il devait y avoir des copies des registres centralisés à la préfecture, et c’est moins difficile que les utilisateurs des archives « en ligne » peut-être le croient. Il n’y a qu’une Amélie Célestine Clairiot. Et la gendarmerie a même retrouvé tous les renseignements sur Marcellienne… Ces renseignements permettent un nouveau rapport au conseil de guerre. Dont je cite l’essentiel:
Il résulte d’une enquête faite à Auxerre par la gendarmerie que le 15 novembre 1848, à 6 h 1/2 du soir, il a été déposé au tour de l’hospice des enfants trouvés d’Auxerre [aucun document ne dit complètement la vérité, c’est l’Hôtel-Dieu qui était nommé dans l’acte de naissance — mais ce tour était peut-être à l’Hôtel-Dieu], une fille qui a été baptisée [j’avoue que je ne m’étais pas posé la question du baptême…] Marcellienne Expilly. Cette fille portait, attaché à ses langes, un billet contenant ces mots : le 15, à 6h1/2 du soir a été déposée Marie Emelie.
Par ce fait, l’enfant du sexe féminin déposé le 15 novembre 1848 à l’hospice d’Auxerre a nom Marcellienne Expilly [je n’ai pas compris la logique de la déduction].
Mis [ce militaire savait bien que le mot « enfant » était masculin, j’ai conservé son orthographe aussi peu inclusive que cohérente] en nourrice et élevé jusqu’à l’âge de 7 ans chez le Sr Poulet de Lecol [Poulet et Lecol, ont dit les gendarmes, elle a donc dû changer de nourrice] au hameau de Valvay [Volvant], commune de Diges [très près de Pourrain, la commune qu’avait nommée la condamnée dans un de ses interrogatoires], puis mis en service, à l’âge de 11 ans, chez Madame Vve Savouret, aubergiste à Fouronne[s] (Yonne) où elle a fait sa première communion, cet enfant est rentré à l’hospice en 1864.
Le 11 [12] mai 1868, ce même enfant Marcellienne Expilly s’est mariée au nommé Adolphe Eugène, enfant des hospices de Paris.
Cette fille a toujours eu une mauvaise conduite et a quitté son mari au bout de 17 mois de mariage, c’est-à-dire, dans le courant d’octobre 1869, pour aller à Paris [Les 17 mois viennent du maire, mais nous avons vu qu’elle était sans doute partie beaucoup plus tôt].
Depuis cette époque, son mari est sans nouvelles d’elle.
Et voilà. Nous en savons enfin un peu plus sur sa biographie, des informations qu’il est facile d’aller vérifier dans les recensements — mais nous ne savons rien de la façon dont elle a vécu ses premières années en nourrice à la campagne, comment elle a été traitée là, puis à l’auberge, servante d’auberge, à 11 ans… Respirons : elle ne savait pas signer son nom, mais elle a été baptisée et a fait sa première communion.
Puisque nous en sommes à sa personnalité, j’ajoute que les rapports utilisés ci-dessus utilisent comportent un signalement de l’accusée. Nous avons vu passer un photographe de ses amants, mais il ne s’est pas donné la peine de nous conserver une photographie d’elle. Il est pourtant possible qu’il en existe une — on en trouve une, en tout cas, sur les site des Amies et amis de la Commune, mais je ne comprends pas la source (citer un site ouèbe qui ne donne pas de source n’est pas donner une source!). Alors, le signalement:
Elle mesure 1,63 m, ses cheveux et ses sourcils sont châtains, son front est ordinaire, ses yeux sont gris, son nez est petit et sa bouche moyenne, son menton est rond et son visage ovale, son teint et mat. Elle est célibataire et catholique (cela suit le signalement…).
Noter que son dossier aux archives du bagne, un peu plus d’un an après, lui trouve 1,53 m (et est d’accord sur le reste). Blonde et de taille moyenne (ce qui ne permet pas de trancher — 1,63 m était plutôt grand, à l’époque, pour une femme), dit son mari. Car il y a un mari… mais je le garde pour le prochain épisode.
*
Le signalement sur l’interrogatoire du 23 avril 1872 fait notre image de couverture.
Source: toujours, au SHD, le GR 8 J 224. Merci à Maxime Jourdan pour ses photographies de ces documents.
Merci à Jean-Jacques Méric pour son aide.