La dichotomie crépuscule ou aurore, que j’ai évoquée à propos de Paris libre 1871 dans l’article précédent de cette courte série, était fort à l’honneur. Au point que, le 18 mars, le journal publiait une interview de Jacques Duclos sous le titre « La Commune, ce fut l’aurore »:

— On prétend dans certains milieux que la Commune fut la dernière révolution romantique du XIXe siècle ?

J. D. — Non, la Commune ne fut nullement une sorte de prolongation de la grande Révolution Française et des révolutions de 1830 et 1848. Elle ne fut nullement le dernier sursaut d’un sans-culottisme révolu. Elle fut, au contraire, la première révolution socialiste, la première expérience d’accession au pouvoir d’un gouvernement ouvrier.
En bref, la Commune de Paris ne fut pas un crépuscule, mais une aurore et, quoi que puissent dire certains de ces commentateurs, c’est ainsi qu’elle est vue et célébrée par les travailleurs du monde entier.

Quelques (autres) idées furent évoquées dans une série d’articles de Jean Bruhat sous le titre « La Commune simplement » et dans des articles de la page « Spéciale idées », « La Commune, un acte socialiste » (Jean Gacon), « Les courants d’idées dans la Commune » (Marcelle Huraux), « La Marseillaise, avant, pendant et après la Commune » (Frédéric Robert), « Les anniversaires de la Commune dans L’Humanité » (Danielle Tartakowski). Sans parler de la « Semaine de la pensée marxiste » et du colloque à l’Institut Maurice Thorez (dont des actes sont parus).
L’ambassadeur russe est allé au Père-Lachaise et d’ailleurs les Francs-Maçons aussi, tous apparurent dans le journal, avec des photos — les francs-maçons étaient mieux traités que les trotskistes (voir l’article précédent)…
Il y eut bien sûr un grand meeting (seulement le 23 mars, à cause des municipales), avec des discours de Georges Marchais et Roland Leroy, ainsi que des salutations des délégations étrangères, on y parla de « construire en France une Commune de notre temps ».
Il y avait même, depuis le 3 avril, un feuilleton (en bédé, avec Pif) d’après L’Insurgé de Jules Vallès.
Et finalement un (grand) défilé, 80 000 personnes au mur des fédérés, le 23 mai. Pour préparer lequel, deux articles de Gilette Ziegler, sur la rue de la Fontaine-au-Roi et la mort de Varlin — ah ! je ne vous ai pas parlé de Gilette Ziegler ! mais je vais le faire, parce que, de tout ce que j’ai lu, ce que j’ai vraiment aimé, c’est sa série d’articles — accompagnés d’un article sur Adrien Lejeune, le « dernier communard » qu’on est allé exhumer en Sibérie pour le ré-inhumer au Père Lachaise.
Franchement, un article avec un intertitre « des barricades au bagne de Nouméa », ça m’a énervée et je ne l’ai pas lu (le bagne de Nouvelle-Calédonie n’était pas à Nouméa, Adrien Lejeune n’a jamais été envoyé au bagne, même pas déporté en Nouvelle-Calédonie, etc., etc.).

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Allez, je consacre quelques-uns des articles suivants à Gilette Ziegler !

Gilette Ziegler était une écrivaine très prolixe, au point qu’elle a eu besoin d’utiliser plusieurs pseudonymes pour écouler toute sa production, constituée notamment d’un grand nombre de romans policiers. Elle était aussi une grande connaisseuse de Paris et de son histoire et a publié plusieurs ouvrages à ce sujet. En particulier, en 1970, un petit livre sur l’histoire de Paris révolutionnaire, plutôt meilleur que pas mal d’autres que j’ai lus à ce sujet. Dans l’introduction de La Semaine de Mai, j’avais remarqué qu’elle était à peu près la seule à citer ce livre dans la période du centenaire.

Elle collabore à L’Humanité, à l’occasion du centenaire de la Commune, pour des « Ballades dans le Paris de la Commune », que je vais re-présenter ici.

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Une mauvaise photo du microfilm de la BnF (n° du 3 avril 1971), le premier « épisode » du feuilleton L’Insurgé, entre le visage de Dustin Hoffman (dans Les extravagantes aventures d’un visage pâle) et les moins pâles Pif et Hercule, en couverture de cet article.

Livres cités

Vallès (Jules)L’Insurgé, Œuvres, Pléiade, Gallimard (1989).

Ziegler (Gilette)Paris et ses révolutions, Les Éditeurs français réunis (1970).

Pelletan (Camille)La Semaine de Mai, présentation et notes de Michèle Audin, Libertalia (2022).