Sept femmes communardes ont été envoyées au bagne de Cayenne, Marceline (Marcellienne) Expilly (épouse Adolphe), Marguerite Guinder (épouse Prévost), Joséphine Marchais, Marie Jeanne Moussu, Elisabeth Rétiffe, Léontine Suétens, Marie Wolff (épouse Guiard).
Nous l’avons vu, l’une est morte assez rapidement (Joséphine Marchais), deux autres se sont mariées et sont restées en Guyane (Léontine Suétens et Elisabeth Rétiffe). Marie Jeanne Moussu est restée en Guyane elle aussi et y est morte. Du sort de Marceline (Marcellienne) Expilly, je ne sais rien (voir les articles précédents). Mais Marie Wolff et Marguerite Guinder sont rentrées en France.
Je l’ai dit, pendant la bataille de l’amnistie, la sœur de Marguerite, du fond du Jura, se préoccupait d’elle.
De Marie, c’est la « justice » qui se préoccupait.
Son dossier de demande de grâce contient aussi des « renseignements judiciaires » venus de Bar-le-Duc en 1879, qui se contentent de noter qu’il n’y a pas d’acte de naissance pour elle dans cette ville de 1811 à 1862 (nous avons vu, dans le premier article de cette série, qu’elle avait menti sur son état civil). Le 5 février 1879, un extrait des sommiers judiciaires mentionnait ses deux condamnations de 1867 et 1868. Cette « activité » de la « justice » en 1879 est sans doute liée à la bataille pour l’amnistie qui se déroulait à Paris.
Encore une infamie. Après le vote de l’amnistie plénière par l’Assemblée nationale, le quotidien Le Gaulois a publié, sur toute la une de son édition du 23 juin 1880 et sur une grande partie de la page 2, sous le titre « Ceux qui reviennent » (notre image de couverture), une immense liste de condamnés qui avaient eu précédemment « maille à partir avec la justice », quatre cents dossiers, selon ce journal. Très peu de femmes, mais le tout dernier nom de cette liste alphabétique est :
Marie WOLF, femme Guyard, née à Bar-le-Duc en 1849, chiffonnière, pétroleuse condamnée à mort, puis commuée en travaux forcés à perpétuité; un an, Paris, 22 juin 1868, vol.
Ce qui est faux. Nous l’avons vu, c’est à un mois de prison qu’elle avait été condamnée. Cette condamnation ne semble d’ailleurs pas avoir été mise en avant (et même pas mentionnée) lors du procès de 1872. Comment ce journal s’est « renseigné », je ne le sais pas.
Marie Wolff, elle, était toujours à Cayenne. Elle y est restée jusqu’au 3 juillet… 1881 ! Un an après la loi d’amnistie ! Dont certainement elle et ses camarades n’avaient pas été informées. Elle est revenue avec Marguerite Guinder (Lachaise), comme nous en informe une lettre du ministère de la marine au garde des sceaux datée du 2 août 1881 :
Ces femmes qui ont sollicité leur rapatriement après la décision gracieuse qui leur a fait remise de la peine des travaux forcés ont pris passage sur le courrier français parti de Cayenne le 3 juillet à destination de St-Nazaire où elles sont arrivées le 26 juillet dernier.
Décision gracieuse, remise de peine, ce monsieur n’avait pas bien compris ce qu’est une loi d’amnistie, et encore moins que ces deux femmes avaient fait un an de bagne de trop, « gracieusement »…
Dernière nouvelle de Marguerite vivante. Elle assiste aux obsèques de la mère de Frédéric Cournet. C’est ce que nous dit le journal Ni Dieu ni maître daté du 21 août 1881:
Nous avons eu la joie de serrer la main des citoyennes Lachaise et Suétens, qui n’ont connu l’amnistie que le 1er janvier 1881, à Cayenne où elles étaient détenues. On se rappelle l’odieuse condamnation des cinq citoyennes qui furent récompensées de leur courage à soigner les blessés de la Commune par une condamnation à mort.
Il y avait erreur sur la personne (nous le savons, Léontine Suétens était toujours en Guyane), sur le procès (ni Marguerite ni Marie n’étaient des accusées du procès des pétroleuses), et peut-être aussi sur la date, mais le journaliste (qui signait J.L.) était si content de leur serrer la main…
J’ai déjà signalé la mort de Marguerite Guinder le 1er mars 1888 (à son sujet, voir aussi mon livre Paris, boulevard Voltaire). Marie, elle, est morte un an plus tard, le 14 août 1889, à l’hôpital Necker. Elle était revenue au treizième arrondissement et habitait 120 rue de la Glacière. L’acte de décès ignore tout de son mari et… la dit née à Falsebourg (!). Plus sérieusement. Elle était journalière et avait 39 ans.
Sources
Outre la presse, toujours le dossier en grâce de Marie Wolff aux Archives nationales (BB/24/759) et l’état civil aux archives de Paris.