Le 8 mars 2024, je serai à Lannion. Je n’y parlerai pas de « communards bretons » mais de femmes communardes oubliées. Les amis bretons me posent parfois des questions sur tel ou telle communarde né en Bretagne — le Père Tanguy, Nathalie Le Mel, par exemple, mais aussi d’autres, moins connus. Comme la question « Qu’est-ce qu’un communard breton? » est très similaire à « Qu’est-ce qu’un communard Berrichon? » ou « Qu’est-ce qu’un communard sarthois? », je saisis l’occasion de parler de la Sarthe — en quatre articles.

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En septembre 2022, je suis allée au Mans, plus exactement à Allonnes. J’étais invitée à parler des « communards sarthois ». Le comité sarthois des Amies et amis de la Commune avait pourtant fourni un très gros travail et réalisé une belle brochure sur ce thème.

Mais, au fait, qu’est-ce qu’un communard sarthois? C’est bien de la Commune de Paris qu’il est question: il n’y a pas eu de Commune au Mans ni ailleurs dans la Sarthe. Un communard sarthois serait donc un communard né dans le département de la Sarthe — c’est une première approximation. 

Environ 80% de la population ouvrière parisienne était formée de femmes et d’hommes nés « dans les départements » (et pas à Paris). Et attirés à Paris par la politique des grands travaux. La grande ville attire aussi les misérables.
Il est donc raisonnable d’aller observer les communards nés dans tel ou tel département. Bien. Mais la question: « qu’est-ce qu’un communard » reste posée.

Ce mouvement a mis en mouvement des dizaines de milliers de personnes — penser aux vingt ou trente mille morts de la Semaine sanglante et aux quarante mille prisonniers faits par l’armée versaillaise, qui certes tous n’étaient pas communards, mais tous les partisans de la Commune n’ont pas non plus été tués ou capturés! Et, non, il n’existe pas de liste des communards!
Par contre, il existe des listes de prisonniers — de personnes passées en conseil de guerre. Ces listes ont été transformées en une remarquable — extraordinaire, même — base de données par l’historien Jean-Claude Farcy, qui l’avait aussi fait pour juin 1848 et qui malheureusement est décédé depuis. 
Suivez le lien et allez-y voir. La liste comporte 41.375 noms dont environ 10.000 nés à Paris et alentour. Comme vous le verrez, elle est « cherchable » d’un tas de façons différentes. En particulier, on peut fixer le département de naissance, la Sarthe, par exemple

C’est ce qu’ont fait les « Amies et amis » de la Sarthe. Ils en ont déduit une liste de quatre cents hommes (de même que le titre de cet article, ce n’est pas un manquement à l’écriture inclusive: il y a extrêmement peu de femmes dans ces listes) — qui ne sont pas « les communards de la Sarthe », mais les Parisiens nés dans la Sarthe et passés en conseil de guerre suite à la Commune. 

Par exemple, Alix Payen, qui est née au Mans, n’est pas dans cette liste — elle n’a pas été arrêtée –, mais nos Amies et amis en avaient entendu parler, grâce à ce blog et à son livre que nous avons fait avec Libertalia, et ils l’ont ajoutée. À part y être née, Alix n’a pas grand chose à voir avec la Sarthe, et c’est sans doute le cas de beaucoup de ceux qui figurent dans cette liste.

Edmond Trappler, qui est né à Saint-Calais, mais n’a pas été arrêté — simplement parce qu’il a été tué… — n’y figure pas non plus. Mais mon article à son sujet est paru trop tard pour qu’il intègre la liste des Amies et amis.
Car cette liste ignore aussi… ceux qui ont été tués.

Les 400 ignorent donc des tas d’autres hommes et femmes que nous ne connaissons pas.

Mais la brochure des Amies et amis de la Sarthe ne contient pas qu’une liste. Elle contient des articles très intéressants sur tel ou tel de ces communards.

Quant à moi, je leur ai parlé de ce que faisaient les Sarthois (comme Sarthois) à Paris pendant la Commune, et aussi d’Alix — ce qu’elle a fait, ils le savaient — et des raisons pour lesquelles je trouve important d’en parler — et je vais expliciter ceci dans les deux prochains articles, d’Edmond Trappler bien sûr et de sa place dans l’histoire de… la misère (je vous renvoie à l’article que j’ai écrit à son sujet), et aussi d’Émile Fortin, auquel je consacrerai aussi un prochain article.

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La photographie du jeune garçon est celle que j’ai utilisée pour illustrer l’article consacré à Edmond Trappler.