Il semble difficile de parler de Vésinier sur un site nommé « La Commune de Paris » sans parler de son activité de membre de la Commune. Après le programme de la série, les débuts de Vésinier, son retour à Paris et son activité dans les années 1879-71, la section du Panthéon de l’Association internationale des travailleurs, le voici à la Commune.
Vésinier n’a pas été élu à la Commune le 26 mars 1871. Aux élections complémentaires du 16 avril il a recueilli 2 626 voix dans le 1er arrondissement, un peu moins du huitième (2 670) des inscrits (21 360). Même Longuet avait eu tout juste son huitième. Vésinier n’était pas le seul dans son cas et la Commune a décidé de valider quand même son élection (et les autres). Certains ont refusé et démissionné. Pas Vésinier.
À partir du 21 avril, il a donc participé aux réunions de la Commune. Pas de façon franchement constructive. Il était acharné contre Serraillier, parce que c’était un proche de Marx, « un homme d’une qualité intellectuelle supérieure » (c’est Marx qui l’a dit). Il détestait aussi Longuet, nous l’avons dit dans un article précédent. Surtout, il voulait sa place de délégué au Journal officiel. Il a fini par l’obtenir, le 13 mai, lorsque la majorité (dont il était) a démis de leurs fonctions les minoritaires. Ce que j’ai raconté dans Comme une rivière bleue.
Son journal Paris-Libre, a pourtant paru du 12 avril au 24 mai. Comme dit Lissagaray,
L’Officiel est peu demandé, les membres de la Commune l’étouffent sous leur concurrence ; l’un d’eux, Vésinier, va jusqu’à publier dans Paris-libre une séance secrète.
Voyons-le intervenir, à la Commune, le 19 mai. Vaillant propose un décret de non-cumul. Vésinier intervient, très innocemment en apparence. Notez que Longuet n’est pas à la séance.
Vésinier. — Un membre de la Commune touche-t-il 6 000 francs comme délégué, en dehors de ses appointements comme membre de la Commune?
Ledroit. — Non, il ne peut pas cumuler.
Vésinier. — Je vous ferai observer que mon prédécesseur [Charles Longuet] a touché des appointements comme délégué à l’Officiel.
Vaillant. — Sans doute; mais alors il n’était pas membre de la Commune [c’était avant le 16 avril].
Pour être tout à fait honnête, je dois dire que c’est Vésinier qui a proposé de rétablir le divorce imaginé le PACS (ou un équivalent: on passait à la mairie dire qu’on était ensemble, et voilà), mais c’était le 17 mai et la Commune n’a pas eu le temps de le voter (voir notre article à ce sujet).
Personne ne dit qu’il était sur les barricades pendant la Semaine sanglante, mais le Journal officiel et Paris-Libre sont parus jusqu’au mercredi matin, il était donc peut-être à son poste jusqu’au mardi soir.
Ou peut-être pas.
Selon les rapports de la préfecture de police (toujours les ragots des voisins), lui et sa femme ont quitté leur appartement de la rue Bréa dès le 21 mai au soir. Lui-même, dans son livre, raconte les dernières heures et les derniers lieux de la Commune, comme s’il y avait été, mais sans vraiment dire qu’il y était, et surtout sans dire comment il a quitté les lieux.
En tous cas, le 19 août, la police parisienne est informée qu’il est à Londres.
À Londres, il recommence à médire et à calomnier, d’abord l’entourage de Marx et les blanquistes (avec l’aide de Vermersch), puis ses anciens alliés (dont Vermersch).
Il écrit, évidemment, son histoire de la Commune, emplie d’inexactitudes. Par exemple, il y cite des articles du Journal officiel dont chacun peut vérifier qu’il les a transformés, leur ajoutant des phrases, une signature (la sienne) qui n’est pas parue dans le journal. Ça aurait pu passer avec un commentaire du genre:
J’ai écrit cet article, mais nous l’avons publié sans signature.
Mais non, cette phrase n’y est pas…
Il n’a pas fait que ça : il s’est marié !
(À suivre)
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L’image de couverture est due à Paul Klenck et vient directement du musée Carnavalet.
J’ai utilisé, comme pour les articles précédents, le dossier Ba 1293 aux archives de la préfecture de police.
Livres utilisés ou cités
Marx (Karl) et Engels (Friedrich), Correspondance, Éditions sociales (1985).
Audin (Michèle), Comme une rivière bleue, L’arbalète-Gallimard (2017).
Bourgin (Georges) et Henriot (Gabriel), Procès verbaux de la Commune de Paris de 1871, édition critique, E. Leroux (1924) et A. Lahure (1945).
Vésinier (Pierre), Histoire de la Commune de Paris, Chapman et Hall (1871).