Comme les peintres, les artistes des théâtres et des concerts se sont fédérés. Ils se sont réunis à l’Alcazar le 18 avril, comme les y invitait le Journal officiel daté du 16:

Fédération artistique.

Tous les auteurs, compositeurs, artistes dramatiques et lyriques, présents à Paris, sont sérieusement invités à se réunir, le dimanche 16 avril 1871, à deux heures précises, à la salle de l’Alcazar, 10, faubourg Poissonnière.
La réunion des membres convoqués a pour but d’arrêter la formation définitive de la fédération artistique.

Le 18, le même journal donnait cette information:

Les auteurs, compositeurs, artistes dramatiques et lyriques, réunis dimanche, 16 avril 1871, sous la présidence du citoyen Pacra, ont procédé ù la nomination des cadres de la compagnie dite la Fédération artistique.
Invitation à leurs confrères des théâtres et concerts de Paris d’assister à la réunion, à l’Alcazar. mardi 18 avril 1871, trois heures précises, pour la formation d’une nouvelle compagnie et la nomination d’une commission chargée d’élaborer les bases et statuts d’une fédération purement sociale.
Le secrétaire,
Paul Burani

Puisque, dans l’article précédent, j’ai demandé qui était musicien, je précise que Paul Burani, pseudonyme de Pierre Urbain Roucoux (1834-1901), est un auteur dramatique (et auteur de chansons) et Jules Pacra (1832-1917) un auteur interprête. Le lendemain 19 avril, on lisait, toujours dans le Journal officiel:

Les auteurs, compositeurs, artistes dramatiques et lyriques formant la lre compagnie de la Fédération artistique réunis à l’Alcazar, le mardi 18 avril 1871, ont adressé à la Commune de Paris une demande pour obtenir que les salles de spectacles non occupées et appartenant à la ville de Paris soient mises à leur disposition pour y organiser des représentations au bénéfice des veuves, blessés, orphelins et nécessiteux de la garde nationale.
Le concours des membres de la Fédération artistique est gratuit.
La commission d’initiative invite les dames artistes des théâtres et concerts de Paris, et lesartistes musiciens, à adresser leur adhésion, pour ces représentations, au président de la Commission, à l’Alcazar, 10, Faubourg-Poissonnière.
Le secrétaire,
Paul Burani

Réunion à l’Alcazar le vendredi 21 avril 1871, pour la nomination d’une Commission chargée d’élaborer les statuts de la Fédération sociale artistique (trois heures précises).

Une semaine plus tard (le 26 avril), le Journal officiel publiait la composition du comité organisationnel pour les représentations théâtrales:

Les membres de la Fédération artistique, dans l’assemblée tenue à l’Alcazar, le 18 avril 1871, ont sous la présidence du citoyen J. Pacra, nommé un comité organisateur des représentations théâtrales à donner au bénéfice des blessés, veuves et orphelins de la garde nationale.
Le comité organisateur s’est ainsi constitué :
Président : Saint-Aubin, artiste de l’Ambigu; Secrétaire : Paul Burani, auteur dramatique ;
Membres : Goubert, directeur de l’Alcazar; J. Arnaud, artiste lyrique ; Monplot, commandant de la Fédération artistique.
Le comité organisateur prie instamment les dames artistes, les artistes musiciens et les artistes des théâtres et concerts, étrangers à la Fédération artistique, d’adresser leur adhésion au président du comité, au cercle de la Fédération artistique, 10, faubourg Poissonnière.
Le comité croit devoir informer les adhérents que leur concours doit être gratuit, l’œuvre poursuivie étant toute de bienfaisance.

Je n’ai pas trouvé d’informations sur Arsène Goubert, le directeur de l’Alcazar, ni sur J. Arnaud (artiste lyrique veut dire chanteur d’opéra), ni sur Saint-Aubin (un acteur). Charles Monplot, selon le Maitron, serait né en 1837.

Il faut aussi nommer une commission d’élaboration des statuts, voici le Journal officiel du 30 avril:

Fédération artistique.

Le mouvement fédéraliste s’accentue : après la réunion des artistes peintres, graveurs, dessinateurs sous l’impulsion du citoyen G. Courbet, les artistes des théâtres et concerts se fédéralisent à leur tour.
Leur premier acte fut l’organisation des représentations au bénéfice des blessés, veuves et orphelins de la garde nationale, et la Commune vient de mettre à leur disposition les salles de spectacle disponibles appartenant à la ville de Paris.
Un comité organisateur de ces représentations a été désigné.
Une commission d’élaboration des statuts vient d’être nommée ; deux auteurs, deux compositeurs, trois artistes de théâtre, trois artistes de concerts et deux musiciens, composent cette commission, à laquelle ont été adjoints les trois promoteurs de la Fédération : les citoyens Paul Burani, auteur, Antonin Louis, compositeur, et Alfred Isch-Wall, auteur.
Ont été nommés membres de cette commission :
Auteurs : les citoyens Houssot et Nazet; compositeurs : citoyens Littolff, A. de Villebichot, J. Javelot, Benzat.
Artistes dramatiques : Delanglay (Ambigu), Damiens (Porte-Saint-Martin), Kalpestri (mime); artistes lyriques: Perrin, Muller, Berger, Littolff, Benza.
Des invitations ont été adressées à tous les artistes présents à Paris, pour réclamer leur adhésion. Plus de six cents artistes ont répondu à cet appel.
Nous avons assisté a quelques-unes de ces réunions; nous avons vu avec une grande joie les efforts du bureau, présidé par le citoyen Pacra, pour arriver à la fusion de tous les éléments de la grande famille artistique.
En des temps meilleurs, quand le théâtre aura repris sa physionomie accoutumée, la Fédération artistique ralliera tous les membres de la famille théâtrale et concertante, et s’accomplira ainsi la fusion fraternelle artistique tant rêvée.
Cette fédération, partant d’un principe aussi républicain, doit opérer dans l’art de rapides et salutaires réformes.

Comme on le voit, il s’agit d’organiser des concerts (auxquels les artistes participeront bénévolement) au profit des blessés, veuves et orphelins, mais aussi, finalement, d’opérer des réformes, qui ne sont pas encore définies.

Antonin Louis (1845-1915) était alors un jeune auteur de chansons et Alfred Isch-Wall (1839-1920) un auteur, plutôt de café-concert. Louis Hussot aurait écrit des paroles pour le compositeur et chef d’orchestre Auguste de Villebichot (1825-1898). Hippolyte Nazet (1839-1878) était rédacteur au Gaulois, auteur notamment, au moment où nous en sommes, d’un Acte d’accusation du Maréchal Bazaine. Henry Litolff (avec un seul t) (1818-1891) est le plus connu de tous, je l’ai déjà mentionné dans l’article précédent, c’était un pianiste virtuose, un ami de Franz Liszt, qui lui avait dédié son premier concerto pour piano, et un compositeur (c’est son portrait qui fait la couverture de cet article). Jules Javelot (1825-1889) était lui aussi un compositeur. Il semble que Perrin soit Émile Perrin (1814-1885), le directeur de l’Opéra de Paris.

Je dirai quelques mots de ce qu’il advient d’eux dans un prochain article. Le suivant est consacré à ce qu’ils ont fait.

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J’ai trouvé la photographie d’Henry Litolff par Carjat sur le site des musées de Paris.