À l’origine de cette série d’articles, mon désir de revenir sur « les femmes du 3 avril ». J’ai déjà consacré un article détaillé aux (vraies mais rares) informations dont nous disposons, je vous y renvoie. L’idée, dont j’ai discuté avec quelques personnes, qu’une médaille commémorant cet événement (?) ait été frappée déjà pendant la Commune par la très officielle et très communaliste « Monnaie », cette idée m’a semblé baroque [voir la présentation corrigée de cet objet politique] et m’a donné envie d’aller voir comment on en avait parlé, de cet événement (qui peut-être n’en était pas encore un), au cours des réunions de la Commune.
La réponse est simple : on n’en a pas parlé. Non, non. Pas du tout.
Cet article pourrait s’arrêter là.
J’ai poussé un peu plus loin la question en cherchant quand, comment et pourquoi on avait parlé des femmes au cours de ces réunions. Précisément, j’ai cherché les occurrences du mot « femme » (ce qui inclut celles du mot « femmes) dans les procès-verbaux et précisément dans le livre publié par Bourgin et Henriot.
Un peu déçue (quand même) par la pauvreté des résultats de cette recherche, j’ai cherché aussi le mot « citoyenne », sans y gagner grand chose (ce mot n’est même pas dans l’index) — mais avec quand même une agréable petite surprise.
Vous avez compris qu’il va falloir considérer cette série d’articles comme une contribution à la lutte contre la « légende dorée » de la Commune — « gardez-moi de mes amis »… Ne vous inquiétez pas de ces « amis », cela ne leur fait pas grand effet.
Eh bien, commençons par l’index du livre. Le mot « citoyenne(s) » n’y est pas, mais le mot « femme » si, et même six fois (au pluriel). Les voici :
- Femmes. — ne peuvent pénétrer dans les avancées.
Ne renvoie pas exactement à un compte rendu de réunion, mais à un mémoire d’Édouard Moreau, du Comité central de la Garde nationale dans lequel il explicite son programme comme délégué auprès du délégué à la guerre. Ce mémoire, daté du 12 mai, a été publié par Ducamp et ajouté par Bourgin et Henriot au compte rendu du 19 mai. Parmi les décrets proposés par Moreau, on trouve :
3°) Défense formelle de laisser passer aucune femme si elle n’est munie d’un mandat régulier, dans les avancées, forts et retranchements.
— Cela n’interdit de passer ni les ambulancières ni les cantinières, ni d’ailleurs les hommes non munis d’un mandat régulier.
- Grousset. — … ; secours aux femmes ; …
- Jourde. — … ; femmes de gardes disparus ; …
- Ostyn. — … ; solde des gardes aux femmes de gardes disparus ; …
Il s’agit dans ces trois cas de « quelques observations » à propos d’une proposition de Lefrançais le 16 avril, je vais y revenir dans la suite.
- Policiers versaillais. — … ; arrestation de leurs femmes proposée ; …
- Sergents de ville. — … ; leurs femmes et enfants ; …
Et c’est tout pour l’index. Soit ce livre est mal indexé, soit les femmes n’intéressaient les membres de la Commune que comme « épouses de » ou victimes à secourir. Eh bien, comme on va le voir dans la suite, ces deux assertions sont à peu près vraies…
On peut classer les apparitions des femmes dans ce livre en
- femmes dont les maris sont des « ennemis »
- le mot au singulier désignant une personne en particulier
(deux catégories peu représentées)
- personnes auxquelles sont (ou ne sont pas) allouées des pensions (comme veuves)
- victimes de la guerre versaillaise (dans la litanie « femmes et enfants »)
- et, ce que Bourgin et Henriot négligent complètement, des femmes qui travaillent.
Je consacre les prochains articles à toutes ces catégories.
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L’image de couverture, que j’ai déjà utilisée pour cet article, est parue dans le Monde illustré du 8 avril.
Livre cité
Bourgin (Georges) et Henriot (Gabriel), Procès verbaux de la Commune de Paris de 1871, édition critique, E. Leroux (1924) et A. Lahure (1945).