Les deux dernières mentions de femmes dans l’index du livre de Bourgin et Henriot (voir l’article précédent) font référence à une proposition d’arrêter les femmes des anciens agents de police et mouchards (3 avril) et à la demande, faite par Rastoul, que les femmes et les enfants des sergents de ville soient nourris aux frais de la Commune, ce qui paraît sous le titre « Incident » et est ajourné (le 5 avril qui, reconnaissons-le, aurait été une bonne date pour parler de ces fameuses « femmes du 3 avril », mais, je l’ai dit, non, on n’en parle pas). Quant à partir pour Versailles, voilà, les hommes partent et les femmes restent, remarque Babick (le 3 mai), ah ! si on avait frappé un impôt sur les boutiques de tous ceux qui sont partis en laissant leurs femmes ! regrette Avrial (le 6 mai).
Je signale qu’il, est aussi question, le 3 mai dans la bouche de Charles Longuet, de
femmes de mœurs suspectes.
Les femmes au singulier sont peu représentées. Je passe sur « la femme de César », métaphore invoquée par Pyat dans un de ses articles fielleux que Jourde, très en colère, lit pendant la réunion du 1er mai (comme s’ils n’avaient pas mieux à faire), mais voici la femme d’Émile Clément, membre de la Commune arrêté, lui, comme espion versaillais, mais qui, elle, n’a rien reçu de la magnificence de l’impératrice (ouf !), comme on l’apprend dans le procès verbal du 19 mai.
J’ai un peu tiqué sur « la citoyenne Darboy » désignant la sœur de l’archevêque de ce nom dans le procès-verbal du 21 mai.
À part la femme d’un garde national blessé (PV du 27 avril), une seule de ces femmes au singulier peut vraiment attirer notre intérêt, elle apparaît le 17 mai dans le rapport du lieutenant Butin (3e compagnie du 105e bataillon, 7e légion) :
j’ai vu, à l’aide de ma longue-vue, un blessé abandonné ; immédiatement, j’ai envoyé une femme attachée à l’ambulance, qui, portant un brassard et munie de papiers en règle, a courageusement été soigner ce blessé. À peine arrivée sur l’emplacement sur l’emplacement où se trouvait ce garde, elle a été saisie par cinq versaillais, qui, sans que nous puissions lui porter secours, l’ont outragée et, séance tenante, l’ont fusillée sur place.
Cette ambulancière violée et assassinée a amené Raoul Urbain à rappeler le décret des otages ce qui lui a valu trois mois plus tard une condamnation aux travaux forcés — vous voyez comme c’est facile de raconter l’histoire d’un homme quand on prétend parler de femmes…
Elle a été une victime. C’est ce que sont, le plus souvent, les femmes, dans les procès verbaux de la Commune.
Dès le 2 avril, aussitôt la première attaque de Versailles, le décret mettant Thiers et compagnie en accusation comporte un « considérant » que les versaillais ont tué et blessé
des gardes nationaux, des soldats de la ligne, des femmes et des enfants
qui réapparaissent, naturellement, dans le décret du comité de salut public qui, le 10 mai, confisque les biens de Thiers (en note dans le procès verbal du 26 avril).
Victimes, elles le sont aussi dès les premières lignes de la déclaration au peuple français (« programme » de la Commune, que l’on trouve ici à la suite de la séance du 18 avril,
conflit […] qui fait périr nos frères, nos femmes, nos enfants
où l’on entend comme un
égorger vos fils vos compagnes…
À la suite du procès verbal de la séance du 22 avril, Bourgin et Henriot ont ajouté l’ordre de Cluseret pour une suspension d’armes à Neuilly, dans lequel on lit
les femmes, enfants, vieillards, en un mot les non-combattants.
De Neuilly, il est à nouveau question le 24 avril, il y aurait là 20 000 femmes et enfants.
Le même Cluseret dit, le 28 avril,
nous ne bombardons pas des femmes et des enfants.
Et, comme celui de la déclaration au peuple français, l’ajout de la « proclamation au pays » (que j’appelle « Frère, on te trompe ») après cette séance du 28 avril, fait entrer des femmes victimes dans le livre
les obus de Versailles qui pleuvent sur nos maison, allant le plus souvent frapper des femmes et des enfants.
Le 21 avril, Chalain parle de femmes qui pleurent.
Après l’explosion de la cartoucherie Rapp, le procès verbal de la séance du 17 mai signale des
femmes avec un enfant à la mamelle mises en lambeau par l’explosion
et, quand Delescluze est nommé délégué à la guerre, il adresse une proclamation à la garde nationale (datée du 10 mai et que l’on trouve après le procès verbal de la séance du 9 mai) dans laquelle il rappelle (?) aux gardes nationaux qu’ils combattent notamment pour
la sécurité de votre foyer et la vie de vos femmes et de vos enfants
— éviter qu’elles deviennent des victimes… peut-être en les transformant en veuves. Mais alors elles seront assistées.
C’est la quatrième façon dont elles apparaissent dans les procès verbaux. Et c’est le sujet de l’article suivant.
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Le dessin de Daniel Vierge représente des réfugiés de Neuilly (hommes, femmes et enfants) pendant la suspension d’armes et est paru dans Le Monde illustré le 6 mai 1871.
Livre cité
Bourgin (Georges) et Henriot (Gabriel), Procès verbaux de la Commune de Paris de 1871, édition critique, E. Leroux (1924) et A. Lahure (1945).