Après la séance de la Commune du 19 mai… il y a eu la rencontre avec les électeurs du quatrième arrondissement, le lendemain, 20 mai.
J’ai déjà parlé de cette réunion dans un article consacré à Adolphe Clémence. Mais on peut en parler plusieurs fois…
Quatre des cinq élus ont signé le manifeste de la minorité, ils ont rendu compte de leur mandat au cours d’une réunion au Théâtre lyrique (notre « théâtre de la ville »), qui a commencé à neuf heures moins le quart (du soir) et a réuni, selon Arthur Arnould, deux mille personnes. Une partie importante des rapports d’Arnould et de Clémence, ainsi que de la discussion a porté sur les bataillons — depuis sept semaines, Paris est en guerre, ce qui, bien sûr, préoccupe la population. Puis, Lefrançais a donné ses explications sur minorité et majorité. Et Amouroux (qui était de la majorité) aussi. Un des électeurs présents a donné longuement son avis, qu’il a conclu par :
Ils se sont trompés [la minorité, en affichant son désaccord publiquement], mais ils n’ont pas démérité à nos yeux. Mais qu’à l’avenir ils soient unis avec la majorité et qu’ils ne se séparent pas d’elle et nous serons tous avec eux et tout unis.
Enfin le président (un nommé Pradel) a donné la parole à Eugène Gérardin.
Citoyens, je crois que, dans l’opinion publique, on a attaché une trop grande importance à l’acte de la minorité. On a cru à une scission, quand il n’y avait pas parmi nous la moindre intention séparatiste. En présence de ce Comité ayant tous pouvoirs, nous avons pensé que la Commune n’avait plus rien à faire en tant qu’assemblée délibérante. La Commune perdait ainsi un temps précieux à discuter des actes que le Comité de salut public pouvait briser, si ces actes le gênaient. Dans ces conditions, citoyens, nous avons déclaré renoncer à aller siéger dans une assemblée qui n’avait plus qu’à se retirer devant un pouvoir suprême qu’elle venait de créer, et nous ne voulions pas non plus renoncer à ce principe démocratique qui ne veut admettre aucun groupe de sauveurs quel qu’il soit. Si le Comité de salut public peut sauver la situation, nous n’avons rien fait qui puisse le gêner ou contrarier ses pouvoirs. Nous l’avons accepté franchement et tous ses actes ont été exécutés strictement dans le IVe arrondissement.
Citoyens, en présence de ce fait, on a accordé une trop grande importance à un acte qui n’en avait pas beaucoup. Nous avons rédigé une protestation, tout en nous promettant bien de venir vous consulter. Cet acte ne compromet pas la défense, ce sera à vous à juger si nous avons démérité de votre estime et de votre confiance.
Non ! Non !, lui a-t-on répondu.
J’oubliais un point, citoyens. Aujourd’hui, pour la première fois, je crois, nous avons accompli la promesse que nous avions faite à nos électeurs ; nous vous avons appelés ici pour juger nos actes, parce que vous êtes les souverains.
À ceux qui auraient oublié la guerre et cette date, 20 mai, je dois signaler que l’on réclamait les gardes du 150e (qui devaient rejoindre leur caserne à Reuilly) et ceux du 53e. Et que la discussion sur la guerre a repris. Puis Adolphe Clémence est intervenu sur les causes de la réunion et Eugène Gérardin a confirmé et donné son avis :
Puisque nous nous sommes présentés devant vous, c’était pour appeler votre jugement sur nos votes et nos actes. La déclaration du citoyen Clémence est la mienne. Nous nous sommes retirés, parce que nous pensions que nous perdions notre temps à la Commune. Si vous croyez qu’il est plus utile d’aller y discuter que d’être dans nos arrondissements, nous y retournerons ; mais je me crois plus utile dans mon arrondissement et aux avant-postes.
L’assemblée a fini par voter, à l’unanimité moins une voix :
L’assemblée des électeurs du IVe arrondissement, sans faire le moindre reproche à ses représentants, les invite à reprendre leur place à la Commune et émet le vœu que les séances soient publiques pour sauvegarder la responsabilité de chacun.
Il était minuit, on s’est séparé au cri de « Vive la Commune ! »
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C’est sur le site de la Ficdel (Fédération internationale des centres d’études et de documentation libertaire) que j’ai copié l’affiche utilisée en couverture.
Il y a un compte rendu de cette réunion dans le recueil des procès verbaux des réunions de la Commune.
Bourgin (Georges) et Henriot (Gabriel), Procès verbaux de la Commune de Paris de 1871, édition critique, E. Leroux (1924) et A. Lahure (1945).