Ils et elles ont été condamnés (voir nos articles de l’automne dernier) à la déportation simple, à la déportation dans une enceinte fortifiée, aux travaux forcés à perpétuité. Ils sont toujours dans des prisons, sur des pontons — au bagne de Toulon pour celles et ceux qui ont été condamnés aux travaux forcés, les forçats, les bagnards.

Le cas de ces derniers semble assez clair: les femmes sont envoyées en Guyane Française (Cayenne) et les hommes à l’Île Nou, en Nouvelle-Calédonie. Les communards n’y seront pas seuls: pour la seule année 1871, 460 condamnés (de droit commun) ont été envoyés dans ce bagne des antipodes (et 369 en Guyane). Par exemple, si j’en crois le registre matricule, Alexis Trinquet est arrivé à l’Île Nou le 16 avril 1872, il avait donc quitté Toulon à la fin de 1871. Gustave Maroteau, lui, le 28 février, est toujours à Toulon, si on en croit la lettre qu’il écrit à son avocat et que publie Le Rappel du 4 mars 1872:

Bagne de Toulon, 28 février 1872
Mon cher Bigot,
Je suis toujours à l’hôpital, toujours malade et pas heureux. Mais j’ai bon courage et je saurai tout subir. Consolez ma chère maman.
Ce n’est pas pour moi, c’est pour elle que j’ai peur.
Tout malade que je suis, je compte partir pour la Nouvelle-Calédonie à la fin du mois de mars. Je vous remercie de vos efforts pour me sauver; je n’oublierai jamais votre infatigable dévouement.
Présentez mes hommages à Victor Hugo.
Dites-lui que les bravos qui ont couvert Ruy-Blas ont retenti jusqu’à mon cœur, et que d’ici, je salue sa gloire avec mon bonnet vert [le bonnet des forçats à perpétuité].
Je vous serre les deux mains.
GUSTAVE MAROTEAU.

Il ne partira que le 19 juin, sur la Virginie, ainsi d’ailleurs qu’Alphonse Humbert et Émile Giffault.

Mais les déportés?

C’est seulement le 22 mars 1872 que l’Assemblée nationale discute et adopte le projet de loi qui choisit le lieu de déportation, voici un extrait du Journal officiel du 23 mars:

Art. 2.– La presqu’île Ducos, dans la Nouvelle-Calédonie, est déclarée lieu de déportation dans une enceinte fortifiée. (Adopté.) Art. 3.–  L’île des Pins, et, en cas d’insuffisance, l’île Maré, dépendances de la Nouvelle-Calédonie, sont déclarées lieux de déportation simple pour l’exécution de l’article 17 du code pénal. » — (Adopté.)
Art. 4.– Les condamnés à la déportation dans une enceinte fortifiée jouiront dans la presqu’île Ducos de toute la liberté compatible avec la nécessité d’assurer la garde de leur personne et le maintien de l’ordre. — Ils seront soumis à un régime de police et de surveillance déterminé par un règlement d’administration publique qui sera rendu dans un délai de deux mois, à partir de la promulgation de la présente loi. — Ce règlement fixera les conditions sous lesquelles les déportés seront autorisés à circuler dans tout ou partie de la presqu’île, suivant leur nombre; à s’y occuper à des travaux de culture ou d’industrie et à y former des établissements provisoires par groupe ou par famille. (Adopté.)
Art. 5.– Les condamnés à la déportation simple jouiront, dans l’ile des Pins et dans l’île Maré d’une liberté qui n’aura pour limite que les précautions indispensables pour empêcher les évasions et assurer la sécurité et le bon ordre. » — (Adopté.) 

Et voilà! Il ne reste plus qu’à charger les bateaux!

À la fin de 1878, 3021 communards et communardes déportés « simples », 908 communards et communardes déportés « dans une enceinte fortifiées » et 324 communards bagnards (hommes — comme je l’ai dit, les femmes condamnées au bagne sont allées en Guyane) étaient arrivés en Nouvelle-Calédonie.

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Il y a eu une photo (d’Adrien de Hen), dont Ciappori Puche a fait un dessin, lequel a été gravé par F. Méaulle, cela représente le camp des déportés (dans une enceinte fortifiée) dans la presqu’île Ducos, c’est paru dans Le Monde illustré le 4 janvier 1873 et je l’ai trouvé sur Gallica.

Outre la presse, j’ai utilisé (les chiffres de) l’article:

Brou (Bernard)La Déportation et la Nouvelle-Calédonie, Revue française d’histoire d’Outre-Mer 241 (1978), pp 501-518.