En juin 2023, j’ai fait (encore) quelques passages dans les lecteurs de microfilms de la BnF. Encore des reproductions pourries, cette fois pourtant pas d’un journal « éphémère » du dix-neuvième siècle mais d’un quotidien « pérenne » du vingtième, L’Humanité, alors « organe central du parti communiste français », puisque ce sont les numéros parus de janvier à mai 1971 que j’ai « feuilletés ».

J’y ai vu, et ce n’était pas inattendu, la campagne pour les municipales des 14 et 21 mars, des comptes rendus de discussions au comité central du PCF, mais aussi des tas d’autres choses, de la mort dans son lit de Lammerding (« bourreau d’Oradour ») au dernier jour (22 janvier) du dernier bus à plateforme parisien (le 21), des pages « Spéciales idées » sur toute sorte de sujets (réforme de l’enseignement mathématique, sionisme et peuple israélien, pour ou contre l’enseignement de l’orthographe ?, etc., etc.). Aussi quelques articles violemment « anti-gauchistes », et je remercie mon ami Philippe d’avoir attiré mon attention sur deux petits bijoux parus les 17 et 18 mai, dont je ne résiste pas au plaisir de vous citer une phrase du premier

quelques groupuscules ont fait çà et là des apparitions fugitives [sur les marchés] sous le mépris et l’hostilité non dissimulés des travailleurs et des ménagères

(je vous rassure, les groupuscules en question étaient aussi très genrés) et la chute du deuxième

Versailles survit, décidément. Mais quelque chose a changé: les communards ont appris à déceler l’adversaire à le démasquer et à le combattre. La Commune n’est pas morte. Ni M. Prouvost ni M. Fauvet ne parviendront à en éteindre la flamme ou à en dénaturer la leçon. Quant à M. Krivine, la manière dont Versailles le traite le remet à sa place: du côté de M. Thiers.

C’était d’ailleurs le titre de l’article, « Du côté de M. Thiers » (signé de Laurent Salini).

Bon, mais c’est plutôt ce qui se faisait — et dont ce journal rendait compte — du côté du centenaire de la Commune qui m’intéressait.

On célébrait déjà « la Commune en chantant » à Villejuif en janvier, à partir du 18 mars le Berliner Ensemble jouait… Les Jours de la Commune (de Brecht!) à Paris, on pouvait revoir une dramatique de Jean Prat sur Rossel à la télévision et voir un débat sur la Commune aux « Dossiers de l’écran » (ces deux émissions sont toujours visibles sur le site de l’INA). Claude Prin montait Cérémonial pour un combat à Vénissieux.

On annonçait la publication de la Grande histoire de la Commune de Georges Soria, notamment par quelques articles publicitaires « Il y a cent ans », le 8 février (élection de l’Assemblée nationale), le 11 mars (interdiction de journaux), le 18 mars (la révolution du 18 mars), une pleine page « 72 jours qui ébranlèrent le monde » (une façon rhétorique de relier la Commune et la révolution russe d’octobre 1917, le leitmotiv de cette période…).

On parlait de nouveaux livres. Le 18 février, Pierre Durand consacrait un article (pas très long) à deux livres, celui de Marcel Cerf sur Édouard Moreau et le Paris libre 1871 de Jacques Rougerie,

plein de faits, de chiffres et de textes,

mais surtout

… dans ses précédents ouvrages sur la Commune, J. Rougerie se séparait notamment des marxistes en considérant que la Commune fut seulement le « crépuscule » des révolutions du XIXe siècle et non, en même temps, l’aurore de celles du XXe. À deux reprises, dans son « Paris libre », l’auteur semble revenir, au moins partiellement, sur ce jugement. « Crépuscule surtout ! Aurore peut-être ! », écrit-il maintenant dans son introduction.

Noter que le journaliste égratignait au passage le Tombeau pour la Commune de Max Gallo « qui a cru bon de dénigrer les héros de la Commune », un mauvais livre de toute façon (là, c’est mon avis…).

Je consacrerai donc un prochain article à « L’aube », un article de Jules Nostag que Rougerie cite dans son livre et dont le journaliste reprenait les derniers mots.

(À suivre)

*

L’affiche qui fait la couverture de cet article est dans le fonds d’archives du PCF aux archives départementales de Seine-Saint-Denis, et précisément là.

Livres cités

Brecht (Bertold)Les Jours de la Commune, in Théâtre complet, VI, L’arche (1956).

Soria (Georges)La Grande histoire de la Commune, Livre Club Diderot (1971).

Cerf (Marcel)Édouard Moreau, l’âme du Comité central de la Commune, Les lettres nouvelles (1971).

Rougerie (Jacques)Paris libre 1871, Seuil (1971).

Gallo (Max)Tombeau pour la Commune, Laffont (1971).