Suite de l’article précédent

Alexis et Adélaïde habitent toujours Paris (et pas Belleville), le « douzième ancien » (à peu près notre cinquième) lorsque leur fils Julien Nicolas naît, le 30 juin 1857 — et je ne peux pas vous en dire plus parce que je n’ai pas vu son acte de naissance. La mère d’Alexis, Augustine Mangez est morte un mois avant la naissance de son petit-fils… Je remarque que celui-ci porte le prénom d’un des frères d’Alexis, et que ce Julien-ci, le frère, meurt un an après (le 8 juin 1858), à l’âge de 22 ans. Durs moments sans doute pour la famille.

Je ne sais pas ce qu’Augustine a laissé, mais il a été question, lors du conseil de guerre qui s’est tenu plus tard, en août 1871, de son héritage, fait en 1859. Selon la police, Alexis Trinquet a dit alors qu’il avait touché 3000 et quelques 100 francs, en avait dépensé pour élever son enfant, acheter du mobilier, et à cause du chômage pendant la guerre (mais n’anticipons pas).

Avec les archives du bagne, ce conseil de guerre et la surveillance policière sont nos sources principales d’information. Il n’y a aucun doute que l’histoire d’Alexis Trinquet est d’abord écrite par des vainqueurs — les massacreurs de mai 1871. Prenons ce qu’ils nous donnent, mais ne l’acceptons qu’avec prudence et vigilance.

Dans un compte rendu de ce conseil de guerre, il est dit qu’Alexis Trinquet a été ouvrier ébéniste (ce qui demande une qualification différente de celle d’un cordonnier et est donc plus que douteux, il s’agit d’une erreur du rédacteur, la plupart des journaux disent bien cordonnier), puis concierge, je ne sais pas d’où vient cette affirmation.

À la fin de l’empire, la famille Trinquet habite le vingtième arrondissement. Après le 104 rue des Rigoles, à Belleville (c’est son adresse en juin 1869), c’est le 48 rue de la Réunion, à Charonne. On verra qu’il a peut-être habité aussi 6 rue du Retrait, à Ménilmontant. Je reviendrai sur ces adresses dans un article ultérieur. On dit qu’Alexis a participé, en 1866, à la formation d’une société coopérative, « L’économie ouvrière », rue Delaitre, à Ménilmontant.

L’acte d’accusation porté contre lui lors du conseil de guerre d’août 1871 le dit habitué des réunions publiques. En consultant la presse, je l’ai vu convoquer une réunion électorale de 3 600 personnes aux Folies-Belleville en novembre 1869 et être assesseur d’une réunion présidée par Amilcare Cipriani le 23 novembre 1870 au Grand Pavillon (rue de Ménilmontant).

C’est en mai 1869, comme il l’a dit lui-même lors, toujours, du conseil de guerre, dit « procès des membres de la Commune » en août 1871, qu’Alexis Trinquet entre vraiment dans la vie politique, en participant à la campagne de Gambetta aux législatives de juin, dans la « première circonscription de la Seine », qui regroupe un gros morceau du Paris ouvrier, Montmartre, La Chapelle, La Villette, Belleville et Ménilmontant si je ne me trompe pas. Il signe les appels du « comité démocratique radical » pour cette circonscription, qui siège 132 rue de Ménilmontant. Le vote a lieu les 6 et 7 juin. Après l’élection de Gambetta et son choix d’une circonscription de Marseille, il participe de plus belle à la campagne de Rochefort dans cette même circonscription, plus radicale et plus virulente. Qui se conclut par l’élection de Rochefort le 22 novembre.

C’est ainsi qu’il devient un collaborateur du quotidien La Marseillaise d’Henri Rochefort — et même plus, si l’on croit un des derniers numéros de ce journal, le 15 mai 1870, qui dit

La Marseillaise a été fondée, le 16 décembre 1869, par les citoyens Henri Rochefort et Millière, avec le concours des citoyens Arthur Arnould, Bazire, Germain Casse, Collot, Dereure, Francis Enne, Ulric de Fonvielle, Paschal Grousset, Habeneck, Humbert, Victor Noir, G. Puissant, Raoul Rigault, Trinquet, Verdure.

Il travaille donc à ce journal, je ne sais pas à quel poste exactement (mais pas comme journaliste).

À suivre

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Je rappelle la publication intégrale de La Marseillaise sur le site archivesautonomies.org et celui-ci. J’ai utilisé, toujours, les archives des bagnes (aux ANOM), l’état civil aux archives de Paris, le Maitron en ligne et la presse.

L’image de. couverture est un morceau de mon plan de Paris préféré, centré sur la rue des Rigolles.

Livre cité

Troisième conseil de guerreProcès des membres de la Commune, Versailles (1871).