Dans l’article précédent, nous avons vu que les femmes apparaissent dans les procès-verbaux des réunions de la Commune parce qu’elles sont victimes. Mais bien sûr, elles sont aussi assistées. Ce que nous montrons dans cet article.
Dès le 1er avril, Billioray demande que l’on continue les allocations du siège
aux femmes et aux ascendants des mobiles prisonniers
ce qui est adopté. Il s’agit de prisonniers des Prussiens. Ces rares « ascendants » contrastent avec les ordinaires « enfants ».
Le 8 avril, devant le nombre important de gardes nationaux désormais tués par la guerre versaillaise — dois-je répéter qu’il ne s’agit pas d’escarmouches, mais bien d’une guerre meurtrière ? —, la Commune s’occupe d’octroyer une allocation à leurs familles. On dépasse à peine le groupe « femmes et enfants » quand Grousset demande
qu’on ne fasse pas de distinction entre les femmes légitimes et celles dite illégitimes.
Le 10 avril, cette proposition entraîne une discussion qui fait, elle aussi apparaître le mot « femme » dans le procès verbal. Le décret adopté est comme l’a voulu Grousset, et je vous renvoie à un très vieil article de ce site et à l’enthousiasme d’Arthur Arnould pour ce décret — une qualité de la guerre versaillaise, c’est qu’elle a forcé la Commune à prendre une définition très progressiste de la famille. Mais ce n’est pas le vrai sujet de cet article. Les enquêtes qui devaient avoir lieu pour l’application de ce décret sont brièvement évoquées le 26 avril, mais on a aussi parlé le 16 avril de verser aux femmes la solde des maris disparus, c’est toujours une histoire de secours.
Le 3 mai, Viard peut ainsi déclarer que les soldats qui se battent savent que l’avenir de leurs femmes est assuré.
C’est le même jour que Cournet parle de leur donner des bureaux de tabac.
Un projet de Rossel allouant une indemnité aux « femmes et enfants » est signalé par Bourgin et Henriot avec le procès verbal du 5 mai.
Et puis en mai, on a décidé de traiter les victimes de l’explosion de la cartoucherie Rapp comme des victimes de la guerre versaillaise. Mais voilà, seize hommes et quatorze femmes travaillaient dans cette usine et le décret parle des familles des « citoyens », ce qui inquiète Eugène Gérardin le 19 mai. Cet élu du 4e, auquel je vais bientôt consacrer une série d’articles, suggère que l’on rajoute le mot « citoyennes » dans ce décret, et là, chères lectrices et lecteurs, on se sent aussi en avance que lors de la nouvelle définition de la famille. Nous voilà à l’inclusivité… Rassurez-vous, Charles Amouroux répond, non pas que le masculin « citoyens » est un neutre, comme le font les politiciens d’aujourd’hui, mais qu’il
doit être compris dans un sens général.
J’aurais une autre remarque ironique à placer mais je la garde pour la série sur Eugène Gérardin.
Tant qu’on y est, on peut aussi attribuer des pensions rétroactivement, à la femme de Noury (dont le mari avait été condamné en 1849 après l’affaire Bréa), propose Cournet le 3 mai.
Puisque j’ai recherché toutes les occurrences du mot « femme », je peux ajouter qu’il n’y a pas que les femmes de victimes auxquelles il est question d’allouer des pensions.
Il y a bien sûr, qui ont besoin d’assistance dans le Paris ouvrier, surtout après le siège prussien, des vieillards, hommes et femmes, et il en est question le 21 avril. Mais plus original, le 12 mai, Protot propose d’allouer une pension alimentaire
à la femme demandant la séparation
— vous vous souvenez qu’en France en 1871 on ne divorce pas…
Il nous reste, ce que Bourgin et Henriot n’ont pas considéré suffisamment important pour l’inclure dans leur index, le travail des femmes.
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Les procès-verbaux l’ignorent, mais il y a d’autres manifestations de l’existence des femmes pendant la Commune. Les clubs, par exemple. J’ai déjà utilisé le dessin de Lix (Le Monde illustré du 20 mai 1871) dans un article, mais jamais en couverture. C’est fait!
Livre cité
Bourgin (Georges) et Henriot (Gabriel), Procès verbaux de la Commune de Paris de 1871, édition critique, E. Leroux (1924) et A. Lahure (1945).