Voilà donc la Commune proclamée à l’Hôtel de Ville et en possession de Paris. Elle va y régner soixante-douze jours sans opposition.

Non! Le futur des soixante-douze jours dans cette citation du rapport de la Commission d’enquête parlementaire est une ânerie. Pour que la Commune ait duré soixante-douze jours, il faut la faire commencer le 18 mars et la faire durer jusqu’au 28 mai. Le temps pendant lequel « la Commune » fut « en possession de Paris », commençant au soir du 28 mars et s’achevant au matin du 24 mai, j’y compte cinquante-sept jours et demi.

L’assemblée communale tient sa première réunion le 28 mars au soir après la fête. Elle prend ses premières mesures le 29. Quatre décrets :

Sur la Garde nationale

La Commune de Paris décrète :

  • 1° La conscription est abolie ;
  • 2° Aucune force militaire, autre que la garde nationale, ne pourra être créée ou introduite dans Paris ;
  • 3° Tous les citoyens valides font partie de la garde nationale.

Sur les loyers

La Commune de Paris

Considérant que le travail, l’industrie et le commerce ont supporté toutes les charges de la guerre, qu’il est juste que la propriété fasse sa part de sacrifices,

Décrète :

  • Article premier. – Remise générale est faite aux locataires des termes d’octobre 1870, janvier et avril 1871.
  • Art. 2. – Toutes les sommes payées par les locataires pendant les neuf mois seront imputables sur les termes à venir.
  • Art. 3. – Il est fait également remise des sommes dues pour les locations en garni.
  • Art. 4. – Tous les baux sont résiliables, à la volonté des locataires, pendant une durée de six mois, à partir du présent décret.
  • Art. 5. – Tous congés donnés seront, sur la demande des locataires, prorogés de trois mois.
  • Nota. – Un décret spécial règlera la question des intérêts hypothécaires.

Sur les Monts-de-Piété

La Commune de Paris décrète

  • Article unique. – La vente des objets déposés au Mont de Piété est suspendue.

Le quatrième décret annule les ordres de Versailles.

Plus sympathique que le rapporteur de la Commission d’enquête parlementaire, Bastien, gamin de Paris, apprend, le 30 mars, que

le Mont-de-piété rend gratuitement les objets mis en gage par les plus pauvres.

Eh bien non, Bastien ! Non, non, et non! Ce jour-là, la Commune n’a fait que suspendre la vente des objets non retirés.

Je m’apprêtais à écrire un article un peu technique sur la question « la Commune et le mont de piété » lorsque Yves C. a attiré mon attention sur le livre de Jean-Baptiste Clément. Grâce à Yves et Jean-Baptiste, ce sera un article plus pédagogique

(à suivre)

Livres cités

Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars, Versailles, Cerf (1872).

Bourgin (Georges) et Henriot (Gabriel), Procès verbaux de la Commune de Paris de 1871, édition critique, E. Leroux (1924) et A. Lahure (1945).

Solet (Bertrand)Bastien, gamin de Paris, La Farandole (1978).

Clément (Jean-Baptiste), La Revanche des communeux, Jean Marie (1886-87).