Non, Émile Duval n’a pas été tué au combat. Non, Gustave Flourens n’a pas été fusillé.

Mais n’anticipons pas.

Les Versaillais engagent la guerre civile le 2 avril au rond-point de Courbevoie. Dès le 18 mars, « Paris » a hésité à « marcher sur Versailles ». Depuis la fête de la proclamation de la Commune le 28 mars, c’est un peu l’euphorie à Paris.

Sans trop de préparation, façon de dire sans préparation, des bataillons de la Garde nationale partent pour Versailles — persuadés que leurs « frères » de l’armée mettront crosse en l’air. Sur cette impréparation, voir le témoignage d’Élisée Reclus dans cet article.

Les trois corps d’armée sont dirigés par Bergeret, avec Flourens, à droite, Eudes au centre et Duval à gauche.

C’est une catastrophe, comme on s’en aperçoit dès que le Mont-Valérien, que les communeux croyaient à eux, ou neutre, les bombarde. Ne pas s’être assuré de ce fort était la faute la plus grave de toute cette histoire.

C’est une débandade. L’armée versaillaise fait de nombreux prisonniers.

Et en assassine beaucoup.

Non, il n’est pas vrai que, comme le prétendit Vinoy,

Les insurgés jettent leurs armes et se rendent à discrétion ; le nommé Duval est tué dans l’affaire.

Le « nommé Duval », Émile Duval, trente et un ans, ouvrier fondeur, blanquiste, internationaliste, membre de la Commune, chéri du treizième arrondissement, a été fusillé le 4 avril avec son chef d’état-major, contrairement à toutes les lois de la guerre: on ne fusille pas les prisonniers.

Non, il n’est pas vrai que, comme je l’ai lu avec stupeur dans les notes de la correspondance Marx-Engels,

Gustave Flourens a été fusillé.

Pourtant les éditeurs de cette correspondance publiaient une lettre de Jenny Marx à Kugelmann dans laquelle elle expliquait comment Flourens avait été assassiné.

Le Versaillais Audebrand raconte, lui, que Flourens, sommé de se rendre, refuse, et qu’une première balle le frappe au crâne et une seconde à la cuisse. Quelle précision…

La mort de Gustave Flourens le 3 avril, pas au combat non plus — un gendarme lui fendit la tête d’un coup de sabre — a été racontée, avec toutes les précisions et les détails macabres souhaitables, dans la presse de l’époque. Voici un lien vers un article du Réveil du peuple, repris dans les faits divers du numéro du 22 avril du Journal Officiel.

Ceux des prisonniers qui ne furent pas fusillés furent emmenés à Versailles. On put alors voir les honnêtes gens frapper les captifs de leurs poings, de leurs cannes ou de leurs ombrelles. Et crier : « À l’assassin ! ».

Ici pourrait être replacée la scène qu’évoque Marx dans La Guerre civile en France (et que j’ai déjà mentionnée dans un autre article), avec les dames d’honneur (?) sur le balcon de la Préfecture. Je pourrais répéter que non, il n’y avait pas de Madame Favre sur ce balcon. Mais il y a mieux à faire.

Parmi les « assassins », se trouvait Élisée Reclus. Ainsi je peux vous inviter à lire comment son bataillon est parti pour Versailles. Et bientôt comment lui et ses compagnons furent acheminés de Satory à Brest dans des wagons à bestiaux.

(à suivre)

Livres cités

Lissagaray (Prosper-Olivier)Histoire de la Commune de 1871, (édition de 1896), La Découverte (1990).

Marx (Karl) et Engels (Friedrich)Correspondance, Éditions sociales (1985).

Marx (Karl)La Guerre civile en France, Édition nouvelle accompagnée des travaux préparatoires de Marx, Éditions sociales (1972).

Audebrand (Philibert), Histoire intime de la Révolution du 18 mars, Dentu (1871).