Le 28 avril à trois heures et demie commence une séance de la Commune. Jules Vallès préside. De nombreux points se présentent qu’il faut discuter (et on le fait), mais le fond est bien sûr celui de la guerre, les Versaillais si près du fort d’Issy, le désordre qui règne à « la Guerre »: en gros, on ne sait rien de l’état de l’armée, de l’artillerie.

Blanchet:

Je demande que les officiers d’état major, dont les trois-quarts sont inutiles à Paris, soient envoyés aux avant-postes. La Commune a perdu dans l’esprit de la population. Il y a peu de temps, on criait au plan Trochu. Les soldats, qui ont du pain de son, ont déclaré qu’ils ne pouvaient le digérer et qu’ils resteraient chez eux. Dans les chasseurs à cheval, le 3e escadron, il y a un cousin de Clément Thomas. Dans tous les bataillons, il y a des bonapartistes, municipaux et autres, qui traitent les hommes de haut en bas et se moquent de la Commune. Voilà les gens chargés de la marche à suivre; voilà ce que fait la Guerre! Si ce n’est pas de la trahison, cela arrive au même but.

Il est applaudi.

C’est alors que Jules Miot, « une des plus belles barbes de1848 », propose:

Vu la gravité des circonstances et la nécessité de prendre promptement les mesures les plus radicales, les plus énergiques;

la Commune décrète:

Article premier. — Un Comité de Salut public sera immédiatement organisé.

Art. 2. — Il sera composé de cinq membres nommés par le Commune au scrutin individuel.

Art. 3. — Les pouvoirs les plus étendus sur toutes les commissions sont donnés à ce Comité, qui ne sera responsable qu’à la Commune.

Vaillant fait remarquer qu’on ne peut pas voter une résolution d’une telle gravité alors que tous les membres ne sont pas là, Régère insiste sur l’urgence, Miot répond que l’assemblée n’a jamais été aussi nombreuse, Grousset demande s’il s’agit d’une mesure de défiance contre la Commission exécutive — pouvoir exécutif de l’assemblée de la Commune.

On vote l’urgence, puis on commence à discuter de ce que serait ce Comité de Salut public.

Il est clair qu’un pouvoir capable de faire régner l’ordre à la Guerre est indispensable. Comme le fait remarquer Vallès,

Le débat actuel roule absolument sur un malentendu. C’est à propos de la guerre que nous devons discuter.

Longuet proteste que la proposition a été faite à l’improviste et qu’il (qu’on) a besoin de réfléchir, il demande le renvoi au lendemain. Le président fait voter. La discussion est renvoyée au lendemain. Il est huit heures et quart.

La Commune est convoquée pour le lendemain 29 avril à deux heures très précises. Il n’y a pas de procès verbal d’une séance le 29 avril. La Commune avait eu beaucoup à faire avec la manifestation des francs-maçons.

La séance du 30 avril s’ouvre à trois heures et demie. C’est cette séance qui va adopter le procès verbal du 28 avril, ce qui confirme qu’il n’y a pas eu de séance le 29.

Le 30, donc. C’est Blanchet qui préside. On commence par reprocher à Longuet que le compte rendu publié par le Journal Officiel de la séance du 28 ne mentionne pas le Comité de Salut public. Il est finalement décidé que cette partie de la séance du 28 restera secrète. Ce qui n’empêche pas Vésinier d’en publier le compte rendu dans son Paris-Libre du 30, d’où une discussion le 1er mai… et la publication par le JO le 3 mai.

Mais le 30, vous dis-je… bien du temps est perdu sur des riens de forme et finalement, mais il est déjà cinq heures, la séance continue en comité secret (et décide l’arrestation de Cluseret).

Toujours le 30, il y a une deuxième séance, que préside Meilliet et qui dure jusqu’à neuf heures et demie. Les dépêches en provenance d’Issy annoncent une situation militaire de plus en plus grave. On discute sur tout des mots « comité de salut public »…

Mais que signifiait ce mot de Comité de salut public, parodie du passé, épouvantail à nigauds? Il hurlait dans cette révolution prolétarienne, dans cet Hôtel de Ville d’où le Comité de Salut public fit arracher Jacques Roux, Chaumette et les meilleurs amis du peuple. Malheureusement, la plupart au Conseil n’avaient lu l’histoire de la Révolution qu’avec le pouce. Ce titre ronflant les enleva. Ils auraient voté séance tenante, sans l’énergie de quelques collègues qui exigèrent une discussion, […] et ils proposaient un Comité exécutif. Les voix s’équilibrèrent.

résuma Lissagaray. 26 contre 26, en effet.

Vous pouvez lire l’intégralité des procès verbaux des séances de la Commune des 28 avril (29 avril) et 30 avril  en cliquant sur les dates.

La suite dans un prochain article.

Livre cité

Lissagaray (Prosper-Olivier)Histoire de la Commune de 1871, (édition de 1896), La Découverte (1990).