Raoul Rigault, étudiant, journaliste, membre de la Commune dont il était le benjamin (élu du huitième), délégué à la Sûreté générale, procureur de la Commune, était doué de grandes qualités de policier, dont il usa avec énergie pendant la durée de la Commune.

C’était aussi (et c’est à cet aspect de sa personnalité que cet article est consacré) un grand anticlérical.

Il n’était pas le seul. L’église, toujours du côté du manche, avait tout fait pour mériter la haine que les Républicains et les prolétaires lui portaient.

Raoul Rigault appliquait ce sentiment anti-calotins et sa haine du monarchisme à la toponymie — il n’était pas le seul non plus.

En lisant les journaux du temps, Le Cri du peuple, par exemple, on trouve des « rue Lambert », « Faubourg Antoine »…

Je ne sais pas si Rigault fréquentait chez Glaser, la brasserie où se retrouvaient les journalistes républicains, à la fin de l’Empire, mais je suis sûre qu’il aurait donné « rue Séverin » comme adresse de cette brasserie.

Il appelait « rue du Tyran » la rue Royale, « rue des Calotins-Germain » la rue des Prêtres-Saint-Germain.

Il y avait aussi la « rue Le ».

Vous ne comprenez pas? C’est la rue Monsieur-le-Prince, bien sûr.

Il habitait rue Saint-Hyacinthe, qu’il nommait rue Hya, supprimant ensemble le saint et la cinthe.

Connaissez-vous la rue Hya?

C’est dans le premier, non loin de la rue Roch et du marché Honoré. Rive droite, donc, ce qui fait que, pour venir de la rive gauche, il fallait traverser la Seine, ce que Rigault faisait par le pont des Toujours.

Non, il n’y avait pas de pont Saint-Toujours à Paris, mais un pont que les guides de Paris et les catholiques appelaient pont des Saints-Pères (= semper = toujours — on peut être anticlérical et connaître le latin) et que nous appelons le pont du Carrousel.

On dit même que c’est Raoul Rigault qui a inventé l’expression « Boul’Mich ».

Il a été tué tout près, rue Gay-Lussac, il n’avait que vingt-quatre ans.