Villiers de l’Isle Adam, donc…

Villiers était présent à Paris à la fin de l’année 1870. Il commandait les éclaireurs du 147e bataillon de la Garde nationale (un bataillon du dix-neuvième arrondissement si je ne ne me trompe pas, donc d’un quartier populaire).

Il était présent à Paris pendant la Commune de même que ses amis Catulle Mendès, Paul Verlaine, Louis-Xavier de Ricard et Edmond Lepelletier. Parmi ces amis, il y avait même Léon Cladel. C’est Coppée qui le dit (alors qu’il évite soigneusement de citer Verlaine et Ricard).

C’était un tout petit monde.

Je commence à établir quelques relations.

  • Ricard et Mendès habitent le même immeuble de la rue de Douai.
  • Dans cette même rue, le peintre Édouard Manet avait eu son atelier, quelques années plus tôt.
  • Il est bien possible que Lissagaray ait habité là lui aussi (il y a vécu en 1870, il y a vécu après l’amnistie des communards, mais pendant la Commune je ne suis pas sûre).

Pourquoi mêler Lissagaray à cette histoire? Parce qu’il a été le rédacteur en chef du Tribun du peuple, du 17 au 24 mai 1871, et qu’Edmond Lepelletier en était le co-gérant.

  • Edmond Lepelletier, ami de Lissagaray et ami de Verlaine.
  • Verlaine, dont Louis-Xavier de Ricard avait été le premier à publier un poème, « Monsieur Prudhomme », dans son journal la Revue du progrès, en 1863.

Puisque nous en sommes aux journaux…

  • Verlaine continua, pendant la Commune, à se rendre chaque jour à l’Hôtel de Ville, à s’asseoir sur son rond de cuir, il était chef du bureau de presse de l’Hôtel de Ville. Je ne sais pas ce que ce bureau faisait, ni ce qu’y faisait Verlaine (la seule chose dont je suis sûre, c’est qu’il buvait de l’absinthe).
  • Mais Louis-Xavier de Ricard (qui était un « vrai » marquis) écrivit un article sur « La Révolution populaire » que Charles Longuet publia dans le Journal Officiel du 7 avril.
  • C’était un juste retour des choses puisque Longuet avait lui aussi collaboré à la Revue du progrès.

Je pourrais continuer cette « polka des poètes » par davantage encore de digressions, d’autres histoires d’amitié.

  • Celle de Vermersch (oui, le Vermersch du Père Duchêne) et de Verlaine,
  • celle aussi qui amena Louise Michel à assister au mariage de Verlaine, parce que l’épousée, Mathilde Mauté, était une de ses anciennes élèves. Comment on sait qu’elle était là? Je ne sais pas, on le dit.
  • En parlant de mariage, il y aurait aussi la présence de Verlaine à celui de son beau-frère Charles de Sivry avec une artiste dramatique, Emma Comiot. Pas seulement Verlaine. Antoine Cros était là aussi, Antoine, le frère de Charles, vous savez bien, celui du hareng saur et du phonographe. Comment on sait qu’ils étaient là? Eh bien, c’étaient des hommes, ils étaient les témoins du marié, ils ont signé l’acte! C’était le 6 mai (1871, oui) à la mairie du cinquième.

Ici je pourrais poursuivre sur ce beau-frère, Charles de Sivry, un musicien, qui rencontra pendant sa détention à Satory, au cours de l’été 1871, un garde national, prisonnier lui aussi, qui cherchait un professeur de piano pour son fils de neuf ans, de sorte qu’Antoinette Mauté, qui était déjà

  • une élève de Chopin,
  • la mère de Charles de Sivry
  • et la belle-mère de Verlaine

devint le professeur qui prépara le petit Claude Debussy au Conservatoire — de la musique avant toute chose.

Il y aurait encore les salons, celui de Madame la Marquise de Ricard (mère) que ces messieurs fréquentaient et avec eux par exemple Raoul Rigault (dont on a pourtant dit que la culture était nulle) et aussi le salon de Nina de Villard, où ils allèrent tous et même aussi Camille Pelletan, et Flourens, et ensuite Rimbaud, qui y composa avec le groupe de poètes les poèmes zutiques après la publication des vieilleries coppéiennes. Nina de Villard que Manet immortalisa, deux ans après la Commune, c’est elle, la « Dame aux éventails ».

Ouf… Un tout petit monde, ce Paris des poètes.

Ah! oui! Comment on sait que Marius, c’est Villiers? Voir l’épisode suivant!

Livres cités ou utilisés (ou les deux)

Coppée (François), Toute une jeunesse, Lemerre (1890), — Souvenirs d’un Parisien, Lemerre (1910).

Lepelletier (Edmond)Paul Verlaine, sa vie, son œuvre, Mercure de France (1907), — Histoire de la Commune (en trois tomes), Paris, Mercure de France (1911).

Mendès (Catulle), Les 73 jours de la Commune (du 18 mars au 29 mai 1871), Lachaud (1871).

Rimbaud (Arthur), Poésies, Bibliothèque de la Pléiade (1972).