Martin Nadaud, connaissez-vous ce nom? Peut-être grâce à la place Martin-Nadaud, d’où il y a une si belle vue sur Paris? (Et où il n’y a même plus de station de métro…)

Qui sait encore que Martin Nadaud avait été un maçon creusois?

La longue tradition qui fait venir à Paris des travailleurs du bâtiment, BTP, comme on dit — des maçons, disait-on en ce temps-là — des pays pauvres et étrangers commença peut-être là, dans la Creuse. Il y avait quelques petites différences avec ce à quoi nous sommes habitués: l’étranger était une région de France, et les plus jeunes maçons avaient à peine douze ans. L’activité était vraiment saisonnière — les ouvriers rentraient chez eux en hiver — et surtout les voyages se faisaient à pied.

Martin Nadaud a écrit un livre de mémoires dans lequel il raconte les maçons creusois « montant » à Paris en groupe.

Il avait reçu de son père le goût de l’instruction, il s’intéressait à ce qui se passait autour de lui, il suivit des cours du soir…

En 1849, à l’âge de trente-quatre ans, il fut élu « représentant du peuple ». La légende raconte qu’il travaillait à la construction de la mairie du douzième lors de son élection et qu’il n’abandonna pas son échafaudage avant l’ouverture de la session.

Un des premiers ouvriers élus députés.

Le célèbre adage

Quand le bâtiment va, tout va,

c’est de lui!

Il ne resta pas député très longtemps puisqu’il y eut l’Empire, et il se retrouva même à Londres, comme tant d’autres proscrits. Ici je vais sauter quelques étapes. Je ne vous parle pas de la franc-maçonnerie.

Beaucoup plus tard la République proposa à Martin Nadaud un poste de préfet (de la Creuse…) qu’il accepta (c’était en septembre 1870) mais dont il démissionna le 6 mars 1871.

Martin Nadaud est ignoré des histoires de la Commune. Il n’y a pas participé de façon visible, il ne s’est pas battu sur les barricades, mais…

Lorsqu’il apprit les débuts de la Commune, Martin Nadaud accourut à Paris, chez son ami Charles Delescluze, pour lui demander ce qu’il pouvait faire. Il le dit lui-même dans ses mémoires.

Je n’ai pas de certitude sur la date précise de son retour à Paris. On voit son nom apparaître dans une liste de membres du Comité central des Vingt arrondissements dans Le Cri du peuple daté du 4 avril, mais c’est une erreur, corrigée par ce journal deux jours plus tard, qui précise que

le citoyen Nadaud, absent de Paris depuis sept mois, n’est point membre du Comité central.

Ce qui ne prouve pas que Martin Nadaud n’y était pas le 6 avril. Mais il est certain qu’il y était le 14, puisqu’il a assisté aux obsèques du philosophe Pierre Leroux, qui ont eu lieu ce jour-là au cimetière Montparnasse. Sa présence est attestée par les journaux du temps.

Il a aussi participé à la Commune à sa façon, en écrivant une série de quatre articles sur les ancêtres du mouvement communaliste pour le journal Le Réveil du peuple, de Delescluze, justement. Le dernier de ces articles parut le 2 mai 1871 et se concluait ainsi:

En résumé, nos communes ont moins de droits qu’elles n’en avaient au douzième siècle.

Cette esquisse rapide montrera ce que nous pouvons attendre de nos gouvernements.

Paris tient les destinées de la France, voilà ce dont chacun doit bien se pénétrer. Aidons Paris, soutenons la Commune, tous autant que nous sommes. Le triomphe de la Révolution du 18 mars nous préparera des destinées meilleures. Si par malheur Paris échouait, l’avenir de la France serait terriblement compromis; car il n’est pas au pouvoir des nations catholiques de se transformer. Celles qui vivent ne font seulement que tourner sur elles-mêmes sans avancer jamais.

Le 2 mai, alors que la guerre civile fait rage, dans le journal de Delescluze — c’est un incontestable soutien à la Commune. Les Versaillais ne s’y sont pas trompés:

[…] maçons émancipés comme Martin Nadaud, de la Creuse, lequel est naturellement tout glorieux d’avoir quitté la truelle pour gâcher dans son auge communiste et communaliste quelques principes de philosophie […]

a écrit un des frères Fonvielle.

Il y a eu des élections municipales partielles le 26 novembre 1871 dans le quartier du Père-Lachaise. L’ancien maire du onzième, Jules Mottu, avait été élu en juillet dans trois quartiers, dont celui-là et il en avait choisi un autre. Martin Nadaud a alors été élu conseiller de Paris.

La place Martin-Nadaud est dans ce quartier.

Édouard Vaillant a lui aussi été conseiller du quartier, après l’amnistie des communards, de 1884 à 1893, et il a aujourd’hui un square non loin de là. Mais je m’égare, excusez-moi.

Je reviens à l’histoire de la Commune. Je ne sais pas pourquoi on a ignoré son soutien à la Commune. Parce qu’il ne s’est pas battu sur les barricades? Parce qu’il ne s’est intégré dans la suite à aucune des composantes organisées du mouvement ouvrier (anarchistes, possiblistes, marxistes, communistes, socialistes)?

Il n’est pas le seul.

Beaucoup des soutiens à la Commune ont ainsi été « oubliés ». Pourquoi?

 

Livres utilisés

Nadaud (Martin), Mémoires de Léonard, ancien garçon maçon, Duboueix, Bourganeuf (1895).

Fonvielle (Wilfrid de), La Terreur ou la Commune de Paris, Bruxelles, Petit Journal (1871).