« L’Assemblée réhabilite les communards victimes de la répression »,  dit un article du Monde, le 30 novembre dernier (2016).

Qu’est-ce à dire?

RÉHABILITATION : Dr. Fait de rétablir dans une situation juridique antérieure, en relevant de déchéances, d’incapacités. Cour. Cessation des effets d’une condamnation à la suite de la révision d’un procès. Cour. Le fait de restituer ou de regagner l’estime, la considération perdues.

RÉHABILITER : Mod. Rendre à (un condamné) ses droits perdus et l’estime publique, en reconnaissant son innocence. V. Blanchir, innocenter. Réhabiliter la victime d’une erreur judiciaire. « Je voudrais bien vivre assez pour voir Dreyfus réhabilité » (Proust). Rétablir dans l’estime, la considération d’autrui. Réhabiliter la mémoire d’un ami.

Disait le petit Robert en 1973 (j’utilise un vieux petit Robert). Je me demande laquelle de ces définitions pourrait être aujourd’hui illustrée par l’exemple Réhabilitation des communards. Les effets des condamnations ont cessé depuis longtemps (tous les intéressés sont morts, depuis le temps…) sans qu’aucun procès n’ait été révisé. L’estime et la considération (perdues?) ne se (re?)gagnent pas par l’effet d’une résolution de l’Assemblée nationale.

Et pourtant, il y a en effet eu un vote à l’Assemblée nationale. C’était le 29 novembre. Les députés ont voté (ou pas) une résolution qui,

Considérant que les lois d’amnistie partielle de 1879 et d’amnistie totale de 1880 n’ont pas permis de réhabiliter l’ensemble des victimes de la répression de la Commune de Paris de 1871,

  1. Estime qu’il est temps de prendre en compte les travaux historiques ayant établi les faits dans la répression de la Commune de Paris de 1871;
  2. Juge nécessaire que soient mieux connues et diffusées les valeurs républicaines portées par les acteurs de la Commune de Paris de 1871;
  3. Souhaite que la République rende honneur et dignité à ces femmes et ces hommes qui ont combattu pour la liberté aux prix d’exécutions sommaires et de condamnations iniques;
  4. Proclame la réhabilitation des victimes de la répression de la Commune de Paris de 1871.

Vous trouverez l’exposé des motifs, les noms des députés ayant déposé la proposition (en 2013) et la proposition 907 elle même dans son intégralité sur le site de l’Assemblée nationale, en cliquant ici.

J’ai un peu de mal à comprendre ce que cela signifie, « l’Assemblée estime ». Qui doit « prendre en compte »? Passons donc sur le point 1. Passons aussi sur les points 3 et 4: je me suis déjà interrogée sur leur signification.

Il reste le point 2. Les « acteurs de la Commune de Paris » est bien trouvé, éminemment et politiquement correct.

Évidemment, on pourrait juger encore plus « nécessaire que soient mieux connues et diffusées toutes les valeurs pour lesquelles se sont battus les Parisiens en 1871 et en particulier les classes laborieuses, et en particulier pendant la Commune. »

Car, parmi ces valeurs, il y avait des (les?) valeurs républicaines… et encore d’autres bien plus révolutionnaires… Vive la Sociale! Ce qui inclut sans aucun doute aujourd’hui un Non à la loi travail! Des exemples? Voyez donc le décret sur la fermeture des ateliers, ou la discussion, le 28 avril 1871, sur le travail de nuit des ouvriers boulangers dans les procès verbaux de la Commune (ici, la séance complète, ici la discussion sur ce point précis)!

Les députés ont voté la résolution. Ce que ça veut dire, précisément?

  • Les groupes Socialiste, écologistes et républicains, Gauche démocrate et républicaine (communistes et apparentés) et Radical, républicain et démocrate (radicaux de gauche) ont voté la résolution.
  • Les groupes Les Républicains et l’Union des démocrates et indépendants, les non-inscrits ne l’ont pas votée.

Ainsi, la Commune de Paris est devenu un lieu de consensus des parlementaires « de gauche »… Je vous laisse imaginer les autres commentaires politiquement très incorrects que chacune de ces deux informations m’inspire.

Il reste à conclure par « le mot d’un mort », Eugène Varlin.

Oui, nous serons dépecés vivants (dit-il à Vallès peu avant de l’être). Morts, nous serons traînés dans la boue. On a tué les combattants. On tuera les prisonniers, on achèvera les blessés. Ceux qu’on épargnera, s’il en reste, iront mourir au bagne. Mais l’histoire finira par voir clair et dire que nous avons sauvé la République.

L’Assemblée nationale de 2016, réhabiliter Eugène Varlin? Vous voulez rire…

*

Bourgin (Georges) et Henriot (Gabriel)Procès verbaux de la Commune de Paris de 1871, édition critique, E. Leroux (1924) et A. Lahure (1945).

Vallès (Jules), Le mot d’un mort, article paru dans La Révolution française, 21 janvier 1879, reproduit dans le recueil d’articles Le Cri du peuple, Éditeurs français réunis (1953).