Louise Colet…

— Qui, Louise Colet?

Eh bien, vous trouverez sans mal une liste d’hommes dont cette écrivaine du dix-neuvième siècle fut la maîtresse.

En vous fatigant un peu plus, vous apprendrez qu’elle a reçu quatre prix de l’Académie française. Probablement parce qu’elle avait fait quelque chose qui les méritait.

En effet, elle a écrit des romans, des poèmes, du théâtre, des essais. Elle était connue et même reconnue — et puis elle a été oubliée (ce n’était qu’une femme, après tout, et c’est le sort commun des femmes). Elle reste la destinataire de nombreuses lettres de Gustave Flaubert.

Pour ce qui nous concerne directement ici, elle est destinataire d’une lettre de Marie La Cécilia…

— Qui, Marie La Cécilia?

Eh bien, allez donc voir cet article (cliquer).

J’ai trouvé la lettre de Marie La Cécilia par hasard. Je ne crois pas l’avoir vue citée. Elle fera l’objet de l’article suivant.

C’est une réponse, par « la voix éloquente d’une femme », Marie La Cécilia, à une « dame », Louise Colet.

Car cette dame a écrit, elle la première, une lettre. Adressée à un ami de Constantinople, qui l’a publiée dans différents journaux étrangers, en particulier suisses. Heureusement — cela m’a facilité la recherche — Louise Colet a republié cette lettre en appendice d’un livre paru en 1873 sous le titre La vérité sur l’anarchie des esprits en France. Livre paru à Milan parce que son auteure n’a pas réussi à le publier en France. Heureusement, ce livre est sur Gallica (et précisément là). De sorte que j’ai pu lire cette lettre, et que vous pouvez en faire autant.

En bref.

Louise Colet, qui revenait d’un voyage en orient à l’automne 1870, était à Marseille pendant le siège de Paris. Elle a écrit des articles, dont un dans lequel elle avait réclamé que l’on enfermât Bismarck, Napoléon III et le pape dans une cage, pour qu’ils s’entredévorent.

Elle est arrivée à Paris le 10 mars 1871 et y a vécu pendant la Commune. Elle habitait 11 rue Vavin, dans le sixième arrondissement.

Avant la lettre à laquelle Marie La Cécilia va répondre, elle a écrit, le 26 avril, à un de ses amis de province:

Cette insurrection de Paris est devenue formidable. La lâcheté du gouvernement et de l’Assemblée, qui sont à Versailles, attirent sur notre pauvre patrie des malheurs et une honte qui me navrent. Depuis plus de trois semaines, Paris est bombardé par les généraux de l’Empire plus cruellement qu’il ne l’a été par les Prussiens. Je reste chez moi quoique j’y entende jour et nuit le canon et la fusillade. Les gardes nationaux se battent avec un très grand courage et l’armée de Versailles n’entrera à Paris, si elle y entre, qu’en versant des flots de sang.

L’auteur de la biographie dont j’ai extrait ce passage considère Louise Colet comme favorable à la Commune.

C’est à une autre lettre que répond Marie. C’est une « longue épître », écrira notre Marie. Il n’est pas question de la reproduire ici! Datée du 13 juin 1871, c’est un « témoignage », de ce que Louise Colet elle a vu, dans son quartier, pendant la Semaine sanglante. On se doute, après la lecture des lignes précédentes, qu’elle n’a pas montré la haine que ses amis écrivains, Flaubert notamment, ont vomie sur la Commune.

Pourtant, elle a adopté une position « conciliante », qui est justement ce que Marie lui reprochera.

Est-ce pour cette raison? Ou est-ce tout simplement par respect de la tradition d’omettre les femmes? Je n’ai pas vu mention de Louise Colet dans les ouvrages spécialisés (il semble que l’existence de George Sand y remplisse très suffisamment la case « femmes »).

En tout cas, Marie La Cécilia a lu sa lettre. Nous avons vu (dans l’article déjà mentionné) Marie pourchassée errer dans Paris avec sa fillette de deux mois, la petite Marguerite mourir, Marie retrouver son général de mari en Belgique, passer par le Luxembourg avant de se retrouver à Londres.

Il est bien possible qu’elle soit passée aussi par Genève. C’est en tout cas à L’Égalité, le journal des sections suisses romandes de l’Association internationale des travailleurs, qu’elle a envoyé la lettre à Louise Colet que nous lirons dans l’article suivant.

*

J’ai trouvé la photographie de Louise Colet mise en couverture de cet article sur le site du Centre Flaubert de l’Université de Rouen, et précisément, là.

Livres utilisés

Colet (Louise)La vérité sur l’anarchie des esprits en France, Milan, Legros Felice (1873).

Clébert (Jean-Paul)Louise Colet: la Muse, Presses de la Renaissance (1986).

Lidsky (Paul)Les écrivains contre la Commune, Paris, Maspero (1970).