Dans l’ombre du brasier est un oxymore — comme la célèbre « obscure clarté » — et un roman noir — comme l’ombre — mais aussi rouge — comme les braises, comme la Commune.

J’ai beaucoup aimé ce livre paru en janvier, raison pour laquelle je lui consacre cet article. Mais il a déjà eu pas mal d’articles de presse, raison pour laquelle je vais être assez brève.

Il y a bien longtemps que je n’avais pas lu un bon « polar » lié à la Commune! Je pense, dans un genre très différent, à la rencontre improbable de mes deux héros londoniens dans Marx & Sherlock Holmes, d’Alexis Lecaye, qui date, déjà, de 1981!

Je sais qu’Hervé Le Corre est un auteur de romans noirs déjà renommé, mais ce qu’il a écrit Dans l’ombre du brasier est bien mieux que juste un bon roman de plus. Voici un livre pour lequel la Commune n’est pas un simple décor mais bien un personnage, le personnage central.

Il y a Caroline, ambulancière promise à la mort au fond de la cave d’un immeuble écroulé et qui tente de s’en sortir,

il y a Nicolas, son chéri, sergent au 105e, qui voudrait la chercher et qui défend la Commune,

il y a Antoine, le « flic » (c’est un polar, quand même), un commissaire de la Commune qui tente de la sauver…

— Qui, « la »? la Commune? Caroline? — Eh bien…

— Tout ça pour aller récupérer une femme qui est sans doute déjà morte? demande le capitaine.

— C’est la même chose que de vouloir sauver la Commune aujourd’hui.

L’ « aujourd’hui » de cette même chose est le lundi 22 mai 1871.

Il y a Caroline, Nicolas, Antoine, sans parler des « méchants » (c’est un polar, quand même) qui ont mis Caroline dans cette situation, et puis il y a Clovis.

Mais surtout, il y a, dans le brasier, sous le feu, sous les obus, face aux chassepots des lignards et aux exécutions sommaires, tous leurs camarades, le petit Adrien, Le Rouge, et tous les anonymes, hommes et femmes, qui parfois ont un prénom, Augustin, Noël, Lorette, Lalie, Rose, Ettore, Lucienne, Rita, Maria, Ferdinand, Philibert, Jean, Marie, Théo, Jean-Baptiste, Marie-Jeanne, Marius, Gustave, Simon, et parfois ne sont pas nommés, qui sont blessés, qui tombent, qui ont peur, qui tiennent, qui donnent un coup de main, qui meurent, qui défendent ce à quoi ils ont cru pendant ces quelques semaines, et que Caroline, Nicolas ou Antoine rencontrent à travers Paris ensanglanté, du Point-du-Jour par où les Versaillais vont entrer dans trois jours  — le livre commence le 18 mai — jusqu’à la rue Ramponneau de la dernière barricade — le 28 mai — où se termine le livre.

Conformément à la légende de cette barricade et suivant Lissagaray,

Pendant un quart d’heure, un seul fédéré la défend. Trois fois il casse la hampe du drapeau versaillais arboré sur la barricade de la rue de Paris [de Belleville]. Pour prix de son courage, le dernier soldat de la Commune réussit à s’échapper.

Ce qui laisse de la place aux romanciers pour finir leurs livres!

Le livre est très bien documenté — même s’il y a parfois confusion entre le Comité central de la Garde nationale et la Commune élue.

Le dernier fédéré s’en tire, mais tant d’autres sont morts…

— Ce qu’on y a cru, tout de même… C’étaient de beaux jours.

La Commune est vaincue — la Commune n’est pas morte?

Livres cités

Le Corre (Hervé)Dans l’ombre du brasier, Rivages-Noir (2019).

Lecaye (Alexis), Marx et Sherlock Holmes, Fayard-Noir (1981).

Lissagaray (Prosper-Olivier)Histoire de la Commune de 1871, (édition de 1896), La Découverte (1990).