J’ai trouvé cet article dans Le Radical de Jules Mottu, en date du 11 novembre 1871. Pour l’essentiel, il reprend un article de La Constitution.

On avait annoncé à tort l’évasion de M. Élisée Reclus.

Alceste, de la Constitution, raconte la vérité sur l’intéressant prisonnier. Jusqu’au dernier moment, on lui avait fait espérer une mise en liberté ; M. Thiers, lui-même, était disposé à la clémence :

On venait, dimanche dernier, lui donner l’ordre de se préparer à partir… mais c’était pour une autre prison. Il s’agissait d’aller à Saint-Germain-en-Laye. Son bagage est bientôt prêt ; c’est une petite malle contenant quelques manuscrits, le modeste trésor du savant. Mais cette malle il ne peut la porter sur ses épaules courbées sous le travail de la lampe.

Il supplie qu’on lui permette de se rendre en chemin de fer à Saint-Germain. L’autorité militaire refuse. C’est à pied, entre les rangs d’une escorte de gendarmes, qu’il faut marcher.

Il me semble, en racontant ces faits, qu’il s’agit, non des choses de notre temps, mais de quelque histoire du temps passé, quand l’homme était si rude à son semblable, la loi si empreinte encore de vengeance et de cruauté. À Saint-Germain, M. Élisée Reclus est enfermé, avec une centaine de compagnons d’infortune, dans l’ancienne écurie des chiens de la vénerie impériale. Le chenil des chiens de Bonaparte est assez bon pour ce savant. On a étendu un peu de paille sur la terre nue. Par trois ou quatre fenêtres sans vitres, mal closes de volets de bois, le jour passe, et avec lui la bise des nuits d’automne.

Voilà comment M. Élisée Reclus s’est enfui !

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On ne se lasse pas des photographies d’Élisée Reclus par Nadar. Il y en a plusieurs sur Gallica. Celle que j’ai utilisée en couverture vient de là.