J’ai trouvé la lettre que je publie ici dans un carton des Archives de Paris, empli de documents provenant des cimetières parisiens, liés au siège et à la Commune de Paris.
Je n’ai pas bien compris pourquoi cette lettre s’est retrouvée là.
Mais elle m’a rappelé un beau texte écrit par Eugène Varlin le 19 juillet 1868, contenant cette phrase
allons tous dans la fosse commune, avec ceux qui, comme nous, ont pratiqué le travail et la vertu.
*
Paris, 9 février 1889
à Messieurs les Membres du Conseil Municipal de la Ville de Paris
Messieurs
Mon ami et collègue à la Commune de Paris — en 1871 — le citoyen Adolphe Clémence — étant mort le 4 de ce mois, je crus pouvoir avertir la famille du défunt que, d’après ce qui avait été fait successivement pour les citoyens Amouroux, Cournet, Pottier et Eudes, elle pourrait obtenir une concession au cimetière du Père-Lachaise.
Il n’en a pu être ainsi et notre ami a dû être enterré au cimetière de Bagneux — dans la fosse commune.
Ce que je croyais être acquis pour tous n’est donc en somme qu’une simple faveur que vous demeurez libres d’accorder ou non.
Je suis loin de réclamer contre le refus apporté à la famille du citoyen Clémence. J’en suis heureux, même, puisqu’il me fournit l’occasion d’exprimer le vœu qu’il en soit désormais ainsi dans tous les cas de même genre qui se présenteront.
Ce retour à l’Égalité — dans la mort — en attendant celle dans la vie — me paraît beaucoup plus conforme aux principes et à la cause pour lesquels ont également combattu les membres du Comité Central, les membres de la Commune et surtout les milliers de Fédérés mitraillés durant la « Semaine sanglante ».
Notre dernière demeure à tous est en effet marquée d’avance dans la fosse commune, celle où l’on enfouit les prolétaires, pour l’affranchissement desquels nous avons lutté.
En ce qui me concerne, je vous prie donc de vouloir bien prendre bonne note que, le cas échéant, je n’en veux pas d’autre.
Cela vous évitera ainsi toute délibération oiseuse si — par hasard — quelque ami, ou quelques-uns de mes ex-collègues vous saisissaient à mon propos d’une demande de concession.
Veuillez agréer, Messieurs les Conseillers, l’assurance de ma considération
G. Lefrançais
ancien membre de la Commune
de Paris en 1871
82 bd Saint-Marcel
*
Si le corps d’Eugène Varlin a bien dû finir par rejoindre une fosse commune, ce n’est pas le cas de celui de Gustave Lefrançais qui, malgré cette lettre, a été enterré — douze ans après — près du mur des Fédérés, au Père-Lachaise, où sa tombe est toujours visible.
Le carton d’archives dans lequel se trouve cette lettre est le carton 60 de la côte 1326W, aux Archives de Paris.