Comme nous le savons, et comme Maxime Vuillaume nous l’a rappelé dans l’article précédent, Eugène Varlin a été assassiné le 28 mai 1871.

Et il a été condamné à mort par contumace le 13 septembre 1872.

Son acte de décès se trouve dans le registre du dix-huitième arrondissement, à la date du 12 mars 1878. Il s’agit de la transcription d’un jugement. Le voici:

Du Douze mars mil huit Cent soixante dix-huit à deux heures du soir. République Française. Au nom du Peuple français, le tribunal Civil de première instance du Département de la Seine, séant au Palais de Justice, à Paris a rendu, en l’audience publique de la première Chambre, le jugement dont la teneur suit: Audience publique de la Première Chambre du Tribunal Civil de première instance de la Seine, du vingt-cinq Janvier mil huit cent soixante dix-huit. — Entre monsieur Louis Benjamin Varlin, Expéditionnaire demeurant à Claye (Seine et Marne) demandeur, comparant et plaidant par maître Engelhard, avocat assisté de maître Gustave Maugin, avoué. D’une part. — Et premièrement Monsieur Armand, Hippolyte Varlin, peintre en bâtiments, demeurant à Paris, passage des Petites Écuries, numéro neuf; Deuxièmement monsieur Pierre Eugène Proux, peintre en bâtiments, demeurant à Paris, rue d’Aligre numéro dix-neuf, au nom et comme tuteur légal de sa fille Mineure Amélie, Eugénie Proux, issue de son mariage avec Denise Clémence Varlin, sa femme, aujourd’hui décédée, défenseurs comparant et plaidant par maître X… avocat assisté de maître Gouget, avoué. — D’autre part, — et Troisièmement, monsieur Nicoche, directeur de l’Enregistrement et des Domaines, demeurant à Melun (Seine et Marne), agissant au nom et comme administrateur des biens de Louis Eugène Varlin, membre de la Commune de Paris, défenseur comparant et plaidant par Maître X… avocat, assisté de maître Denormandie, avoué. — Encore d’autre part. — Le Tribunal, ouï en ses conclusions et plaidoiries Engelhard, avocat, assisté de Mangin, avoué de Louis Benjamin Varlin et en leurs conclusions, Gouget avoué de Armand Varlin et de Proux, ès-noms, et Denormandie, avoué de Nicoche, ès-qualités / Le ministère public entendu, après en avoir délibéré Conformément à la loi, jugeant en premier ressort, attendu qu’il résulte des documents fournis au tribunal que Louis Eugène Varlin, membre de la Commune, arrêté après l’entrée de l’armée dans Paris a été passé par les armes le vingt-huit mai mil huit Cent Soixante Onze, rue des Rosiers, qu’il avait été reconnu par un grand nombre de personnes présentes, qu’il n’avait pas nié son identité; qu’enfin l’inspection des papiers et objets trouvés sur lui n’a laissé aucun doute à cet Égard; attendu que le décès du dit Varlin, n’ayant pas été régulièrement constaté, le demandeur est fondé à solliciter un jugement pour tenir lieu d’acte de décès, qu’il est fondé également à demander l’Exécution d’un testament en date du vingt-quatre Septembre mil huit cent soixante quinze, aux termes duquel sa mère lui a légué le quart disponible de sa succession qui serait revenue à Louis Eugène Varlin, s’il eut survécu. / Par ces motifs, sans qu’il soit besoin de recourir à la preuve testimoniale Subsidiairement offerte par Louis Benjamin Varlin, Dit que Louis Eugène Varlin, ouvrier relieur, membre de la Commune, est mort à Paris rue des Rosiers, le vingt-huit Mai mil huit Cent soixante onze, ordonne que le présent Jugement sera transcrit sur les registres de l’État civil de la Mairie du dix-huitième arrondissement de Paris, pour tenir lieu d’acte de décès…. Signé Choppin et Olivier. — Fait et jugé en audience publique de la première Chambre le vingt-cinq Janvier mil huit cent soixante dix-huit, par Messieurs Choppin, Président, Flogny et Carpentier, juges, en présence de Monsieur Tanon, substitut assisté de maître Olivier, greffier. En conséquence le Président de la République Française mande et ordonne à tous Huissiers sur ce requis, de mettre le présent Jugement à Exécution. Aux Procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de première instance d’y tenir la main. — À tous Commandants et officiers de la force publique d’y prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis. En foi de quoi la minute a été signée par le Président et par le Greffier. En marge est écrit: Enregistré à Paris le Onze Février mil huit Cent soixante dix-huit folio 189 Case 1ère, reçu Quinze francs soixante-trois centimes, double décime compris. — Signé Demommerot. Par le tribunal Signé: E. Delorme. Pour Copie Conforme. L’Officier de l’État Civil du dix-huitième arrondissement de Paris.

Martin Landelle

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Le registre est aux Archives de Paris.

Le texte du registre est in extenso, la capitalisation est d’origine, les soulignements (couleur) sont de moi, et les explications sont dans l’article suivant. 

Dans l’article suivant, j’expliquerai comment cet acte de décès a fini par arriver là!

Avec l’aide de Jean-Pierre Bonnet et de Maxime Jourdan, que je remercie, j’ajoute les informations suivantes sur les personnages secondaires de cette affaire:

Emile Amédée Martin, dit Martin Landelle, maire adjoint du 18e, né à Paris ancien 18e, le 15 septembre 1834.

Edouard Choppin (27 avril 1818, Chartres-19 mars 1904 [Paris?]), vice-président du tribunal, devient conseil à la Cour d’appel le 19 octobre 1878.

Nicolas Antoine Adolphe Flogny (9 décembre 1826, Troyes-17 décembre 1887, [Paris ?]).

Charles Edmond Carpentier (12 novembre 1818, Tirepied, Manche-22 juin 1887, [Paris ?])

Célestin Louis Tanon (11 février 1839, Mens, Isère-20 avril 1916, [Paris?])

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C’est un des portraits d’Eugène Varlin par Éloi Valat que j’ai utilisé comme couverture de cet article. Merci à Éloi!