Beaucoup de livres « sur » la Commune ou liés à la Commune sont parus ou paraissent. Le « pire » est à venir en mars — il m’est difficile de râler, j’en ai moi-même deux à paraître…

Je les achète tous. Sauf ceux que leurs éditeurs m’envoient. Mais je les lis tous.

Discussion avec un ami, à propos d’un livre plutôt mauvais, que son éditeur m’a envoyé:

— Tu vas en parler?
— Je ne parle pas des mauvais livres.

À quoi bon en parler, en effet? Il y en a tant! Pour rire: j’ai reçu, en 2018, un « roman historique » (c’était écrit sur la couverture) dans lequel, entre autres erreurs, tous les nombres étaient faux (toutes les dates, mais aussi le nombre de pages du Cri du peuple, et même son prix, tantôt 10 sous, tantôt 10 centimes — c’était 1 sou, c’est-à-dire 5 centimes). Plus récemment, mais celui-là c’est de ma faute, je l’ai acheté, un livre qui commençait par des rappels historiques, dans lequel, après la Révolution française,

divers régimes monarchiques plus ou moins autoritaires, avec leurs guerres et leurs soldats chair à canon.
En 1812, c’est le retour d’un roi, Louis-Philippe.

J’ai pensé que ce serait la Bérézina pour ce livre, mais non, il a de bonnes critiques partout (pourtant, le reste est à l’avenant). Mon problème, c’est évidemment que je lis les livres.

Ne pas parler d’un mauvais livre, c’est un peu gênant quand c’est moi qui l’ai demandé à l’éditeur. Il est vrai qu’il est rarissime qu’un éditeur refuse.

Pour continuer à la première personne, j’avoue un gros remords de ne pas avoir parlé plus tôt du livre que CREAPHIS m’avait très gentiment envoyé dès sa parution en décembre 2019. C’est celui que j’ai utilisé pour la couverture (et le titre) de cet article. C’est un très beau livre, comme vous pouvez le voir en allant sur le site de l’éditeur. Ce que vous n’y verrez pas, mais je vous le dis, c’est que les cahiers sont cousus de fil rouge. Très élégant! Mais il y a, hélas, de mauvais livres qui sont aussi de beaux livres, c’est le cas de celui mentionné à propos de Louis-Philippe (sans fil rouge quand même). Mais je veux vraiment vous dire deux mots de

La Commune de 1871
Une relecture
sous la direction de
Marc César et Laure Godineau.

Le livre a fait son chemin sans moi, puisqu’il en est à sa deuxième édition. N’empêche, je vais vous en dire deux mots. C’est un livre de près de six cents pages, qui comporte des textes de trente-huit auteurs — de sorte que, forcément, certains articles sont moins bons que d’autres. Je m’étais un peu énervée contre ceux-là, et aussi contre le fait qu’il s’agissait d’un colloque tenu en 2011, pour le cent quarantième anniversaire de la Commune, et qu’on approchait (déjà) du cent cinquantième…

Eh bien, j’avais tort. La vérité, c’est qu’il y a (aussi) beaucoup de bonnes choses et qu’elles n’ont pas vieilli. Je pense en particulier à la partie consacrée à « la dimension nationale du mouvement communaliste ». Non, ce n’est pas une énumération ennuyeuse des villes dans lesquelles il y a eu une « Commune » (Lyon, Marseille, Narbonne, Le Creusot…) mais une étude bien plus intéressante — qui d’ailleurs suit, dans le livre, un article sur l’appel aux volontaires nationaux contre la Commune de Paris, comparé à l’appel analogue contre l’insurrection de juin 1848. Un ensemble dans lequel j’ai beaucoup appris.

Si les références à la micro-histoire sont parfois un peu incantatoires, le livre contient de beaux articles « au plus près », sur le journal d’un couple de petits commerçants de la rue de Lappe, ou consacrés à des communards, pas les plus connus, Eugène Vermersch, Fortuné Henry, Louis-François Parisel, et Jules Montels en exil. La référence aux femmes de la Commune est elle aussi un peu incantatoire. Un seul article est consacré à l’une d’elles. Devinez qui? Bravo! Vous avez gagné. Pas pendant la Commune mais en Nouvelle-Calédonie, plus face au colonialisme que face au mouvement communaliste.

Le livre se conclut, après des « conclusions » universitaires attendues, par un magnifique cahier iconographique. Pour vous faire une idée des qualités esthétiques de ce livre, retournez sur le site de l’éditeur où vous pouvez feuilleter le livre.

Et j’aime beaucoup les « repères chronologiques » qui suivent. Voici, puisque j’en ai déjà parlé, la période englobant à la fois 1812 et Louis-Philippe:

1800 – 2 mars: nomination des premiers préfets par le Premier Consul. À Paris, le préfet s’installe symboliquement à l’Hôtel de Ville.

1831 – 21 novembre-3 décembre: à Lyon, révolte des canuts, ouvriers de la soie.

Bref, si vous ne l’avez pas encore, je vous le conseille. Avec mes excuses aux éditeurs et aux auteurs: j’aurais quand même dû en parler plus tôt.

Le livre

La Commune de 1871 Une relecture, sous la direction de Marc César et Laure Godineau, Créaphis (2019).