1. L’assemblée communale ne se réunit qu’une fois aujourd’hui.
  2. Elle fixe le maximum de traitement des employés des services communaux à 6000 francs par an.
  3. Elle décrète la semaine de quarante heures sans baisse de salaire.
  4. Un journaliste écrit:
    « […] Un coup de surprise peut même livrer Paris républicain à Versailles infâme et jeter les révolutionnaires dans la mort. »
    On les tuerait par douzaines, cette fois! on entasserait leurs cadavres […]
  5. Sept cents femmes réunies devant l’Hôtel de Ville réclament le droit de voter. Une délégation est reçue par la Commune.
  6. Un bataillon de chasseurs à pied, envoyé de Versailles, essaie d’enlever les gardes nationaux parisiens postés au Point-du-Jour et est repoussé.
  7. Une délégation de typographes réclame à la Commune que les ouvrières touchent le même salaire que les ouvriers.
  8. La Libre-pensée annonce que son banquet aura lieu le vendredi saint (le 7 avril prochain).
  9. Un décret de la commission scientifique interdit de fumer dans les lieux publics.
  10. À Juvisy, des wagons-postes venant de la province sont arrêtés, avec ordre de conduire les lettres qu’ils contiennent à Versailles.

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Sortant d’une réunion de la fédération des artistes, le peintre Gustave Courbet aperçoit une truite qu’on vient de pêcher dans la Seine et décide de la peindre. Elle est aujourd’hui au musée d’Orsay (et en couverture de cet article).

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Cinq des informations ci-dessus sont des poissons d’avril. Quelques précisions sur les unes et les autres.

  1. En effet.
  2. C’est vrai. Cela concerne les membres de l’assemblée communale, c’est extrêmement peu pour des élus, en regard des habitudes, mais ce n’est pas si peu que ça: 6000 francs par an, 500 francs par mois, avec des mois de vingt-cinq jours travaillés, cela fait 20 francs par jour — un ouvrier très qualifié gagnait 7 francs par jour.
  3. Poisson d’avril! C’est une revendication du vingtième siècle. En 1871, une semaine de six jours de neuf heures (cinquante-quatre heures) aurait déjà été un progrès.
  4. Le journaliste est Jules Vallès et c’est un extrait de son article « Décidez-vous », paru dans Le Cri du peuple daté du 3 avril (et donc paru le 2 et donc écrit le 1er). C’est dans ce journal aussi que j’ai lu les nouvelles 6, 8 et 10.
  5. Poisson d’avril! La revendication du droit de vote est pour le futur — s’il n’est pas exclu que des femmes aient pu y penser, il n’y a pas eu de manifestation à ce sujet, peut-être simplement parce que le vote n’était pas la plus intéressante expression de la démocratie… et qu’il en existait d’autres.
  6. C’est vrai. La guerre civile menée par Versailles contre Paris commence vraiment demain 2 avril, mais s’annonce déjà.
  7. Poisson d’avril! Sur la revendication « À travail égal salaire égal », voir cet article ancien et ceux qui y sont cités. Les typographes étaient particulièrement célèbres pour avoir refusé, sous l’empire, l’embauche de femmes dans leurs ateliers.
  8. Le vendredi saint est un bon choix pour un banquet (pas vegan, je vous le garantis) de libre-penseurs. C’est vrai.
  9. Poisson d’avril! Les fumeurs sont tranquilles encore pour cent trente-six ans.
  10. C’est vrai, et en cohérence avec l’article sur la poste d’hier.

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La première réunion des artistes pendant la Commune n’a eu lieu que le 14 avril (voir cet article ancien). Je ne sais pas s’il y avait des truites dans la Seine. Gustave Courbet a peint cette truite pêchée (l’hameçon et la ligne sont visibles) dans la Loue après la Commune, moment où il s’identifiait peut-être à ce malheureux poisson. Je reconnais que ce n’est pas le plus joyeux des poissons d’avril. Mais c’est un poisson communard. Et il est vrai que cette truite est désormais au bord de la Seine, au musée d’Orsay.

Cet article a été préparé en octobre 2020.