Dans cette nouvelle série d’articles, je vais poser beaucoup de questions — et répondre à quelques-unes d’entre elles — à propos de « photos de communards ».
À titre d’introduction, examinons deux assemblages parus sous le titre « Les hommes de la Commune » dans la presse, après la Commune — entendons-nous, ici le mot hommes veut bien dire hommes.
Il y a quarante-six hommes dans l’hebdomadaire Le Voleur daté du 28 juillet 1871. Les voici:
Vous pouvez cliquer sur l’image pour l’agrandir.
Ce journal a publié des notices sur certains des « hommes de la Commune », à partir du 23 juin, commençant ce jour-là par Pyat, puis par « les morts » (la mort de Delescluze, sa biographie, Jules Vallès qui mourut comme il a vécu, l’exécution de Millière et sa biographie, biographie et exécution de Varlin, le citoyen Vincent (?)), liste continuée le 30 juin (Vermorel, Rigault, Dombrowski, Johannard que le journal dit avoir été condamné à Blois ce qui n’est pas plus vrai que le fait qu’il a été exécuté à Vincennes — noter que ce journal a pourtant un portrait de lui —, « Daniel » Salvador, le citoyen Teilhard, Napias-Piquet) et le 7 juillet (Rigault, une très longue notice) puis, le 14 juillet commence une liste des vivants (Cluseret, Eudes, le général Roger (?), Billioray, Tridon, Lacord) suivie d’un article les « Femmes de la Commune » ne comportant aucune notice personnelle (la femme est générique). La liste des vivants continue le 21 juillet par Courbet, Mégy, Lullier, Rossel, Ferré, Jaclard, Cable Basset (?), Trinquet. Le 28, Vésinier, Régère, Urbain, Grousset, Ledroit, Assi, Jourde… Ainsi notices et portraits sont deux choses distinctes: on publie les portraits que l’on a pu trouver.
Ils sont cinquante dans Le Monde illustré daté du 14 octobre. C’est l’image que j’ai utilisée comme couverture, et que je reproduis ici.
Le numéro suivant de l’hebdomadaire précise:
Nous avons publié dans notre dernier numéro, sous forme de trompe-l’œil, cinquante portraits-cartes des « hommes de la Commune.» Sur ces 50 photographies, 24 provenaient de l’atelier de M. Appert, les autres de MM. Carjat, Thiébault, Disdéri, Légé, Saint-Edme, Otto, etc., etc.
Ce qui appelle quelques commentaires:
- La photographie n’apparaît, directement, dans les journaux, qu’à partir de la fin des années 1880. Le Monde illustré publie ses premières photos au cours des années 1890, préférant longtemps les gravures d’après photos pour les portraits. Les portraits photographiques de cette époque deviennent souvent des gravures, comme ici, notamment lorsqu’un journal décide de les publier.
- Des plus connus des communards, Vallès, Courbet, Flourens, nous avons des photographies faites par des photographes indépendamment de la Commune, notamment par Nadar (Vallès, Courbet), Carjat (Vallès après la Commune, Courbet, Delescluze), Reutlinger (Courbet), Thiébault, Herikse et Bacard (Flourens pour ces trois derniers). Frédéric Cournet, qui était journaliste, était aussi assez connu. Il a été photographié par Appert comme « journaliste au Réveil » (un journal qui a paru du 2 juillet 1868 au 23 janvier 1871). Largement assez longtemps pour qu’un photographe qui photographiait les hommes politiques de son temps l’ait photographié.
Eh! Mais il n’y a pas dans ces images de portrait d’Eugène Varlin! Ni d’Albert Theisz! Et d’ailleurs pas non plus de Leo Frankel ni de Benoît Malon…
Comment ça? Nous sommes en plein dans le grand moment des grands procès, où, nous l’avons dit et je le redis ici, on met « tout » sur le dos de la dangereuse et puissante « Internationale », et il n’y a pas de portrait de ses militants les plus connus!
Et pourtant, beaucoup d’ouvriers sont passés chez le photographe… Pour tel ou tel événement exceptionnel. Si nos amis Varlin, Theisz, Frankel, Malon… manquent sur cette image, c’est parce que les photographies qui ont été faites d’eux sont alors inconnues.
Voici une preuve, dans le cas de Benoît Malon. Il a été élu député de Paris le 8 février 1871 et à ce titre figurait sur cet autre portrait collectif (par Pilotell) que l’on trouve par exemple au musée Carnavalet…
… le caricaturiste ne devait pas avoir de portrait utilisable de Benoît Malon puisqu’il l’a représenté… de dos!
Dans le prochain article,
nous irons chez le photographe avec Eugène Varlin