L’image illustrant l’article précédent annonçait sa mort. Voici des nouvelles de sa vie, dans une biographie de Gustave Flourens. Son titre, « un intellectuel révolutionnaire » l’indique, il s’agit de du portrait d’un intellectuel « de gauche » (ajoutez tous les guillemets que vous voudrez), trente ans avant la naissance supposée du genre (lors de l’affaire Dreyfus).
Il ne s’agit pas d’un livre de plus sur la Commune, mais bien d’une biographie « scientifique ». On y apprend beaucoup sur les jeunes années de Gustave Flourens, celles au cours desquelles le jeune homme supplée son père, donne des cours au Collège de France, écrit des textes « scientifiques », l’ethnologie ou l’anthropologie de l’époque… Sur sa vie comme « révolutionnaire itinérant », Turquie, Grèce, Crète. Ce que Michel Pinault décrit à l’aide d’une grande quantité de sources jusque là peu exploitées. Notamment des textes de Flourens lui-même et de la très touchante correspondance de Gustave avec sa mère.
Puis, l’histoire raconte des choses que les lecteurs de ce blog connaissent mieux, la collaboration de Gustave Flourens à La Marseillaise, l’enterrement de Victor Noir, l’émeute du 7 février 1870, le passage à Londres en avril-mai 1870, et puis le siège, Belleville, les 5 et 8 octobre, le 31 octobre, le 21 et le 22 janvier, la condamnation à mort (je vous renvoie à mes articles « il y a cent cinquante ans » de 2020-2021), la Commune — et la mort lors de la « sortie torrentielle »…
C’est un gros livre (530 pages). Un livre savant. Comme tous les livres, il comporte quelques erreurs, mais pas davantage que les livres écrits par des « vedettes » et publiés par des éditeurs plus « chic » — pourtant, ceux-ci ont bénéficié de relectures professionnelles… Je ne vais pas faire ici une liste de choses qui ne vont pas, oui, l’auteur, comme la plupart des autres auteurs, confond le procès de Blois et le troisième procès de l’Internationale, et il en fait quelques autres, oui, je suis fâchée qu’il ne cite pas les Écrits d’Eugène Varlin et qu’il ne cite pas convenablement Mes cahiers rouges de Maxime Vuillaume.
Michel Pinault a déjà écrit plusieurs biographies scientifiques, comme celle, notablement, de Frédéric Joliot-Curie. Pourtant aucun « grand » éditeur n’a voulu de ce livre-là. Pourtant sur un sujet original et passionnant (ou alors, c’est pour ça?). Quelle place l’édition fait-elle à des auteurs qui, comme lui, ne sont pas du sérail (Sciences-po-and-Co)? Alors le voici, mal relu, avec des erreurs parfois énervantes, il coûte 42 euros, il n’y a pas de service de presse (en bon français, je les ai payés, ces 42 euros), mais un bon livre, dans lequel certainement vous apprendrez beaucoup. C’est trop cher, d’accord. Mais… faites-le acheter par votre bibliothèque.
Je l’ai déjà dit (et peut-être même écrit), je n’écris pas sur les livres que je n’aime pas. Lisez celui-ci!
Sur ce livre, voir aussi mon article dans La Vie des idées (ajouté le 12 janvier 2024).
Livres cités
Pinault (Michel), Frédéric Joliot-Curie, Odile Jacob (2000), — Gustave Flourens: un intellectuel révolutionnaire, L’Harmattan (2023).
Varlin (Eugène), Eugène Varlin, ouvrier relieur 1839-1871, Écrits rassemblés et présentés par Michèle Audin, Libertalia (2019).
Vuillaume (Maxime), Mes Cahiers rouges, édition intégrale inédite présentée, établie et annotée par Maxime Jourdan, La Découverte (2011).