Maxime Vuillaume a été mené, le 25 mai 1871, à la cour martiale du Luxembourg.

Ce que c’est que la cour martiale du Luxembourg?

Pendant la semaine sanglante, après avoir conquis un quartier — c’est la guerre des rues — l’armée versaillaise organise une répression sanglante contre la population — civile — de ce quartier. Traîné à la cour martiale, on n’en sortait que pour être fusillé ou pour être conduit, prisonnier, à Versailles — à condition d’arriver jusque là.

Maxime Vuillaume a eu une chance extraordinaire, exceptionnelle, même, au sens littéral du terme: il n’a été ni l’un (fusillé) ni l’autre (fait prisonnier). Et il a réussi à quitter Paris et à se réfugier en Suisse.

Ainsi, il a pu témoigner.

Et, pour notre plus grande chance, Maxime Vuillaume était journaliste. Il était aussi ingénieur des Mines, ce qu’il avait un peu oublié pendant la Commune, qu’il s’est empressé d’oublier à nouveau après l’exil, mais qui lui a permis de trouver du travail, pendant son exil suisse, au chantier du tunnel du Saint-Gothard. Mais, sauf cas de force majeure, Maxime Vuillaume était journaliste.

À la fin du second empire, puis, pendant la Commune, au Père Duchêne, journal dont il nous a raconté la fondation pendant la Commune — souvenez-vous aussi de sa fille, dont nous avons annoncé la naissance le 5 avril 1871, il y a déjà des années

Dans plusieurs journaux parisiens après l’amnistie des communards (j’ai « profité » de la guerre sanitaire pour glisser plusieurs de ses articles sur ce site — et ce n’est pas fini…), et notamment dans L’Aurore où il a écrit des articles sur ses souvenirs de la Commune…

Qui sont la source des Cahiers rouges publiés par Charles Péguy dès 1908 dans ses Cahiers de la quinzaine (où sont parues aussi certaines des lettres d’Alix Payen). Ils ont ensuite été réunis en volume. Et puis il a reçu des lettres, des témoignages complémentaires, il a voulu en rajouter… il y a eu de nouveaux cahiers…

Bref! Depuis 2011, nous avons une édition enfin complète (et inédite), une belle édition du vingt et unième siècle. Elle a été établie par Maxime Jourdan (qui vient de « faire » de même le nouveau Philémon), qui l’a annotée et dotée d’un index.

Ça n’a l’air de rien, mais, si vous voulez savoir ce que « coûte » à l’auteur une entrée dans ce genre d’index, relisez donc l’histoire d’Éléphantine dans l’article sur Philémon.

Index infiniment précieux. Vous y trouverez, par exemple, le nom, savamment tu par l’auteur, de sa femme, la mère de la petite Marie, la fille du Père Duchêne, et d’ailleurs aussi du grand frère, Maxime, de cette petite Marie, deux enfants légitimés par leur auteur de père lorsqu’il épousa leur mère, Marie Juquet, à Genève, pendant la proscription… Elle n’est jamais nommée, ni même évoquée par Maxime Vuillaume dans son livre, mais elle apparaît, au hasard de l’arrivée d’Eugène Protot à Genève en octobre 1871 — je ne résiste pas au plaisir de cette citation:

Je l’amènerai dîner… Perrier va t’envoyer une paire de perdreaux, que ta femme nous accommodera,

dit Brunerau ce jour-là. Mais aussi dans les formules de politesse des lettres des amis,

Présentez mes civilités à votre chère compagne

(ici c’est Rogeard, dans une lettre de juin 1872).

Voilà comment un historien du vingt et unième siècle (Maxime Jourdan) enrichit le texte d’un historien des dix-neuvième et vingtième siècle!

J’avais été si frappée de la richesse de cet index que, pendant fort longtemps, je n’avais considéré que lui, sans réaliser pleinement toutes les qualités de cette édition.

Ne vous imaginez pas, si vous avez une édition ancienne, ou si vous en avez téléchargé une sur Gallica, que vous possédez Mes Cahiers rouges. Ce que vous avez est très incomplet!

Cette édition est la seule vraiment complète!

Maxime Vuillaume ne prétend pas écrire une histoire de la Commune. Il raconte ce qu’il a vu, avec modestie mais non sans passion — malgré les années écoulées. Sa journée à la cour martiale du Luxembourg, le Père Duchêne, « quelques-uns de la Commune », l’entrée des Prussiens, le 18 mars, la colonne Vendôme, les batailles, les otages, la fuite — sans parler de l’inclusion, dans cette édition, des lettres d’Eugène Vermersch…

Maxime Vuillaume, journaliste, est un narrateur, et aussi un enquêteur, hors pair. Même s’il écrit, évidemment, une histoire au masculin.

Et l’édition est à la hauteur! C’est un joli livre de poche — plus de sept cents pages quand même! Et, maintenant que les librairies sont ouvertes, n’hésitez plus!

Voici la quatrième de couverture du livre:

N’hésitez pas à cliquer sur l’image pour l’agrandir.

Merci à Maxime Jourdan pour ses éclaircissements et les images du livre.

Dans le prochain article, je vous livrerai une critique de ce livre par un écrivain. À suivre, donc!

Les livres cités

Vuillaume (Maxime), Mes Cahiers rouges, édition intégrale inédite présentée, établie et annotée par Maxime Jourdan, La Découverte (2011).

Payen (Alix)C’est la nuit surtout que le combat devient furieux Une ambulancière de la Commune, Écrits rassemblés et présentés par Michèle Audin, Libertalia (2020).

Descaves (Lucien), Philémon, vieux de la vieille, présenté, établi et annoté par Maxime Jourdan, La Découverte (2019).

Cet article a été préparé en mars 2020.