Des huit femmes communardes condamnées aux travaux forcés à perpétuité dont nous avons fait la liste dans l’article précédent, deux sont mortes et une est mariée et reste en Guyane jusqu’à sa mort. Il nous en reste cinq:

  • Marceline (Marcellienne) Expilly (épouse Adolphe)
  • Marguerite Guinder (épouse Prévost), notre Marguerite Lachaise (nous l’avons rencontrée plusieurs fois, en particulier ici),
  • Marie Jeanne Moussu (épouse Gourier), dont une photographie fait la couverture de cet article,
  • Elisabeth Rétiffe (voir le procès des pétroleuses),
  • Marie Wolff (épouse Guiard) (voir nos articles précédents).

J’ai lu dans Les Femmes bagnardes qu’Elisabeth Rétiffe a, comme Léontine Suétens, épousé un bagnard. J’ai eu un peu de mal à en trouver la trace dans l’état civil guyanais: les tables décennales des mariages y étaient (à l’époque) rangées par ordre alphabétique que du nom des hommes. Il fallait donc tout lire. De plus, celle que j’ai trouvée se nommait… Rose Rétif. Et en effet, c’est sous ce nom et ce (seul) prénom qu’elle est née, à Vézelise dans la Meurthe, à 30 km au sud de Nancy, le 9 janvier 1834. Sa mère s’appelait Elisabeth Gérard et était brodeuse, son père était journalier (ouvrier agricole, je suppose) lors de son mariage l’année précédente mais, le jour de la naissance, il était militaire (13e régiment d’infanterie, en garnison à Metz), de sorte que c’est une sage-femme qui a déclaré la naissance de Rose. Sa mère est morte dans une maison de secours de Nancy le 21 décembre 1839 et son acte de décès la dit veuve… la petite n’avait pas encore six ans. Ce qu’elle a fait ensuite, je ne sais pas. Pendant la Commune, elle était cantinière, puis ambulancière au 135e (le même bataillon que Léontine Suétens, sans doute pas la même compagnie). Elle était à la Légion d’Honneur pendant la Semaine sanglante où elle soignait les blessés. Elle a été arrêtée (sous les prénom et nom d’Elisabeth Rétiffe) et, comme vous le savez, était une des accusées du procès des pétroleuses. Et c’est ainsi qu’elle s’est retrouvée au bagne en Guyane.
En 1878, elle avait quarante-quatre ans et a épousé, sous son nom de Rose Rétif (« dite Elisabeth »), le 28 février, Jean Berthommier, qui en avait quarante-trois. Un forçat libéré, donc. Ces actes de mariage sont terrifiants: les témoins sont quatre « surveillants militaires », qui signent l’acte. La plupart du temps, les mariés ne savent pas signer. Ou à peine, comme Léontine Suétens (voir l’article précédent). Elles étaient en prison, puis au bagne, depuis 1871, et personne n’avait eu l’idée de leur (à elles et aux autres) apprendre à lire et écrire…
Ainsi elle non plus n’était plus susceptible de quitter la Guyane. Et, comme Léontine Suétens, elle y est morte, le 24 février 1882.

Elles ne sont plus que quatre. Et ce sont nos quatre femmes mariées.

J’ai eu un peu de mal avec Marceline (Marcellienne) Expilly. J’ai trouvé un seul décès en Guyane à ce nom, dans un hospice proche de Cayenne le 2 août 1888, une « demoiselle » dont le prénom est « Eugène » dont rien n’est su si ce n’est qu’elle est fille de « Expilly Marcelienne ». Je n’ai pas trouvé de naissance de cette enfant. Ni de mort d’autre Expilly (mais j’ai pu mal chercher).

Elles ne sont plus que trois.

Marie Jeanne Moussu a peut-être choisi de rester en Guyane, toujours est-il qu’elle est morte à l’hôpital de Saint-Laurent-du-Maroni le 24 juillet 1891.

Les deux femmes qui nous restent, Marguerite Lachaise et Marie Wolff, elles, ont quitté la Guyane. Ce que je raconterai dans l’épisode suivant de cette histoire.

À suivre

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J’ai déjà utilisé la photo de Marie-Jeanne Moussu pour illustrer un article ancien.

Sources

L’état civil de Guyane aux archives nationales d’outre mer (en ligne).