Suite et fin de la série sur Marcellienne Expilly. Voir ici les précédents son: état civil, son départ pour Paris, ce qu’elle y fait en 1871, son arrestation, la préparation de son procès, son procès et ses suites, ce qu’on apprend de son enfance, l’apparition de son mari.
Sous son vrai nom, la condamnation de Marcellienne Expilly a été commuée en travaux forcés à perpétuité. J’ai déjà dit le peu que je savais du bagne. Marcellienne a quitté Toulon le 1er septembre 1873 sur L’Entreprenante (et non pas L’Endurant comme je l’avais écrit).
Elle est arrivée aux Îles du Salut le 12 octobre 1873.
On ne peut s’empêcher de penser à la malchance qui a poursuivi Marcellienne Expilly depuis sa naissance et à la vie qu’elle a menée. Son désir malheureux de liberté a fini par la conduire dans un des pires endroits possibles.
Et là, sa trace s’est perdue. Elle était l’une des quatre femmes mariées dont l’administration ne savait que faire, selon une lettre du 30 août 1877 que j’ai déjà citée
Il existe à la communauté de Saint Laurent du Maroni quatre femmes condamnées mariées en France qui ont été envoyées à différentes époques à la Guyane : les femmes Gourier, Gaillard, Adolphe et Prévost.
Conformément aux instructions contenues sur leurs feuilles originales leur condamnation prononcée pour faits insurrectionnels doit être subie à la Guyane. Il n’y a donc pas lieu de demander leur renvoi dans les maisons centrales de France, quoiqu’elles soient inutiles pour la colonisation.
Cette situation provoque de la part de ce personnel d’incessantes réclamations et crée de perpétuels embarras.
J’ai par suite Monsieur le ministre l’honneur de demander à votre Excellence l’autorisation de les placer en liberté provisoire ainsi que cela a eu lieu pour les femmes de race noire […]
Nous l’avons vu, seules Marie Wolff et Marguerite Guinder sont rentrées en France… un an après le vote de l’amnistie plénière. Dont décidément les autorités à Cayenne n’avaient pas bien compris de quoi il s’agissait. Sur le dossier de Marcellienne Expilly il est indiqué
Remise du reste décret collectif du 10 juillet 1880
et
Passée 4e 2e n°89 le 30 décembre 1880
(qui voudrait dire qu’elle a été autorisée à rentrer en France à cette date — à condition de payer le voyage). Mais je suppose qu’elle ne l’a pas fait. Pourquoi elle ne l’a pas fait? Parce qu’elle ne pouvait pas payer? Mais Marguerite et Marie sont rentrées, elles. Il semble à peu près clair qu’elles n’avaient personne pour payer leur voyage. Il reste beaucoup de mystères dans cette histoire. Mais revenons à Marcellienne.
Comme je l’ai dit,
J’ai trouvé un seul décès en Guyane à ce nom, dans un hospice proche de Cayenne le 2 août 1888, une « demoiselle » dont le prénom est « Eugène » dont rien n’est su si ce n’est qu’elle est fille de « Expilly Marcellienne ». Je n’ai pas trouvé de naissance de cette enfant. Ni de mort d’autre Expilly (mais j’ai pu mal chercher).
Elle a peut-être eu une fille à qui l’administration a donné le nom du mari (l’enfant d’une femme mariée était enfant du mari…) en se trompant entre Adolphe et Eugène (??) et peut-être elle a décidé de rester en Guyane et est morte beaucoup plus tard. Plus vraisemblablement, c’est elle qui est morte là…
Si elle avait vraiment la syphilis (comme semblait le dire un des documents conservés par le SHD et comme je l’ai cité dans un article précédent) — ce qui, d’après son mode de vie, n’est pas absolument impossible — il est peu vraisemblable qu’elle ait vécu très vieille…
Ou alors, elle a pris une autre identité, comme elle savait si bien le faire. Ou elle a disparu. Après tout, c’était la Guyane. La forêt ? Un requin ?
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L’image de couverture est la commuation de la peine, en marge du Jugement du 6e conseil de guerre.
Source: SHD, GR 8 J 224. Merci à Maxime Jourdan pour ses photographies de ces documents.
Et pour conclure, je précise que, pour écrire ceci, après les archives de la commission des grâces et les articles de mon blog sur les communardes bagnardes, j’ai bénéficié de questions et d’informations de la part de Jean-Jacques Méric et surtout du dossier de Marcelienne Expilly en conseil de guerre (8J/23, 224, 138) dont Maxime Jourdan m’a donné des copies.