Voici donc la suite des « aventures » de Pierre Vésinier. Voir ici pour le programme et pour le début de sa biographie.

Amnistié, Vésinier est « rentré » (y avait-il jamais été?) à Paris en 1869. Et a commencé à s’y livrer à une frénétique activité de participation aux réunions publiques de la fin 1869. Si Marx avait jugé que ses pamphlets contre Bonaparte en faisaient un écrivain « sans grande valeur », il lui reconnaissait un grand rhetorical power (talent oratoire) (lettre du 15 janvier 1866).

Son nom, comme président, assesseur, simple intervenant, est apparu tous les jours dans les comptes rendus de réunions électorales que publiait le journal Le Rappel, et aussi lorsqu’il a été jugé, condamné, et cela a continué après l’élection de Rochefort (le 22 novembre 1869), et après l’assassinat de Victor Noir. Lorsqu’il disparaissait du journal, entre le 6 et le 17 décembre, entre le 13 février et le 24 avril 1870, c’était parce qu’il était condamné et incarcéré.

Le 29 juin, il était même inclus dans une liste de (trente-sept) rédacteurs du journal (qui souscrivaient pour un tombeau de Barbès).

Il a été arrêté le 5 juillet (1870), alors qu’il se rendait au tribunal pour assister au procès de l’Internationale (dit Le Rappel du 8 juillet). Il a été condamné le 3 août à deux mois de prison pour « excitation à la haine et au mépris du gouvernement ».

Nous voici donc arrivés au temps de la guerre. Puis de la défaite, du 4 septembre et de son amnistie.

Vésinier est reparti, de réunion publique en réunion publique. Dans ces réunions et dans les journaux, il s’est attaqué, notamment, à Godillot — celui des chaussures — tout en réclamant l’expropriation de ses ateliers. On ne peut que regretter qu’il n’y ait plus pensé pendant la Commune…

Comme tant d’autres, il a été arrêté après le 31 octobre. Je lis dans le Maitron qu’il a été un de ceux qui se sont « emparés » ce jour-là de la mairie de Belleville. Emparé est sans doute exagéré.  Il a confirmé, devant le 4e conseil de guerre, s’être rendu à la mairie du vingtième ce soir-là et y avoir été accueilli par la commission municipale (voir Le Figaro du 24 février 1871). D’après le livre de Gustave Flourens, il semble pourtant qu’il était chez lui. Lui-même ne s’est vanté de cet exploit dans aucun de ses livres. L’exagération vient sans doute d’un peu crédible et très postérieur rapport de police (6 novembre 1872).

Toujours est-il qu’il a été arrêté et qu’il a fait partie, comme Lefrançais et Vermorel, des détenus qui ont gelé au donjon de Vincennes et dont nous avons déjà parlé plusieurs fois. Comme eux, il a écrit des lettres. Comme eux, il a été jugé et acquitté le 24 février 1871.

À suivre

*

La photographie de couverture est due à Charles Reutlinger, je l’ai trouvée au musée Carnavalet.

*

J’ai utilisé le dossier Ba 1293 aux Archives de la préfecture de police.
Merci à Maxime Jourdan de m’avoir confirm et incitée à confirmer la présence de Vésinier à la mairie du vingtième le 31 octobre (correction du 25 juin 2024).

Livres utilisés

Marx (Karl) et Engels (Friedrich)Correspondance, Éditions sociales (1985).
Flourens (Gustave)Paris livré, Lacroix, Verboeckhoven et Cie, 1871.