Gustave Flourens et Gabriel Ranvier étaient, en 1870-1871, les chéris de Belleville. C’est une photographie de Ranvier qui illustre cet article.

À Flourens je consacrerai un autre article. Je me contente, pour aujourd’hui, de citer une ânerie à son sujet.

La Commune aimait tant les titres qu’elle l’avait nommé « major de rempart »,

dit et répète un Monsieur d’Almeras dans un livre haineux pourtant paru plus de cinquante ans après.

En réalité, c’est Trochu lui-même, pendant le siège (bien avant la Commune), qui avait inventé ce titre fantaisiste pour Flourens. Vous savez, Trochu (1815-1896), général, gouverneur de Paris et président du gouvernement « de Défense nationale » (de capitulation, si l’on préfère), celui que Victor Hugo définissait comme « participe passé du verbe trop choir »…

Venons-en à Ranvier et à janvier.

Gabriel Ranvier est brutal, envieux et féroce,

sait Maxime Du Camp (je ne résisterai sans doute pas à un article sur les vomissures de cet écrivain — devenu académicien grâce à elles, je n’en dis pas plus ici). Comme preuve de ses dires:

Le 29 décembre 1870, il [Ranvier] signe la fameuse affiche rouge: « Place au peuple! Place à la Commune! »

La date est fausse… et Ranvier n’est pas parmi les cent quarante signataires de cette affiche rouge (5 ou 6 janvier 1871). Il en a bien signé une autre, qui était rouge elle aussi mais ne comportait pas ces exclamations, et qui n’a pas été affichée en décembre mais en septembre 1870. Bref, tout est faux!

Alors, Gabriel Ranvier n’était peut-être pas non plus brutal, ni envieux, ni féroce.

Gabriel Ranvier, né le 8 juillet 1828, était un ouvrier décorateur sur laque, blanquiste, franc-maçon, membre de l’Internationale. On l’appelait « le Pâle », il était membre du Comité des Vingt arrondissements, a participé à la journée du 31 octobre, a été élu maire du vingtième en novembre 1870, mais son élection a été invalidée. Il était candidat socialiste révolutionnaire aux élections législatives du 8 février 1871. Membre du Comité central de la Garde nationale, il était à l’Hôtel de Ville dès le 18 mars. Il a été élu (par le vingtième) membre de la Commune. Ensuite membre du Comité de salut public. Il a réussi à échapper à la répression versaillaise et à fuir à Londres. Il est mort dès son retour à Paris en 1879. Il est une des grands figures du roman Le Canon fraternité, de Jean-Pierre Chabrol (1970) — livre hélas indisponible chez son éditeur à cette date.

Oui, il faudra des articles sur tous ces adjectifs et sur tous ces comités… Sur l’affiche rouge, en voici déjà un!

(à suivre)

 

Livres cités

D’Almeras (Henri)La vie parisienne pendant le siège et sous la Commune, Paris, Albin Michel (1927).

Du Camp (Maxime), Les Convulsions de Paris, Paris, Hachette (1879).

Chabrol (Jean-Pierre), Le Canon fraternité, Paris, Gallimard (1970).