Marc Blondel, s’exprimant au nom du syndicat « Force Ouvrière » dans un livre intitulé La Commune de Paris aujourd’hui, se plaignit (cet « aujourd’hui »-là date un peu, j’en parle donc au passé):

Qui sait encore que Victor Hugo fut député de la Commune?

Oui, en effet, qui donc? Personne, heureusement, puisque ni Victor Hugo, ni personne d’autre n’a jamais été député de la Commune. Le plus sidérant dans ce cas est que personne n’ait corrigé une pareille énormité, dans un livre collectif…

Une assemblée nationale a été élue le 8 février 1871. Victor Hugo était l’un des quarante-trois élus de Paris (Thiers aussi).

Dans son immense majorité, cette assemblée était constituée de bonapartistes et de monarchistes, élus par la province. Hugo démissionna le 8 mars, après les outrages que cette assemblée infligea à Garibaldi. Fin du mandat de député du grand homme.

Et la Commune, alors? Il y eut des élections le 26 mars, qui élurent une assemblée communale qui prit le nom de « Commune de Paris ». Il y eut de nouvelles élections, pour compléter cette assemblée, le 16 avril. Victor Hugo ne fut ni élu, ni même candidat.

On ne peut même pas dire qu’il fut partisan de la Commune: il ne le fut pas.

Il est intervenu (en paroles) contre la répression. Il a même été expulsé de Belgique parce qu’il avait annoncé que sa maison (rue des Barricades, ça ne s’invente pas, à Bruxelles) était ouverte à tous les réfugiés. Il est alors parti pour le Luxembourg, où il a en effet accueilli au moins une réfugiée, une jeune couturière qui se nommait Marie Mercier et qui lui a raconté ce qu’elle avait vu à Paris.

Cette jeune femme était la veuve de Maurice Garreau, un serrurier qui avait été le directeur de la prison de Mazas et qui avait été fusillé.

Une ânerie à son sujet aussi, ça se passe au mois de mai 1871. Un « otage survivant » nommé Crépin raconte sa rencontre avec le directeur de Mazas, Garaud (sic), venu lui proposer de devenir colonel de la Commune et le décrit comme un « vieillard à cheveux blancs ». Ce devait être quelqu’un d’autre: Maurice Garreau avait vingt-quatre ans. Vingt-quatre ans lorsqu’il fut fusillé.

De la présence de Marie Mercier, Victor Hugo a tiré quelques poèmes de L’Année terrible, et d’autres avantages.

Pour en finir (au moins provisoirement) avec l’inévitable thème Victor Hugo et la Commune, il faut ajouter que le grrrand poète national a aussi été un des artisans de l’amnistie des communards.

Mais j’ai beaucoup anticipé, dans cette histoire en creux… nous en sommes bien en février 1871.

(à suivre)

Livres cités

Zwirn (Jacques) (sous la direction de), La Commune de Paris aujourd’hui, Éditions ouvrières (1999).

Crépin (Eugène), La nuit d’un otage, Jules Le Clère (1873).

Hugo (Victor),  L’Année terrible, Michel Lévy (1872).

Hugo (Victor), Choses vues, Quarto Gallimard (2002).

Cerf (Marcel), Marie Mercier, Victor Hugo, et l’infortuné Maurice Garreau, Cahiers des Amis de la Commune (1987).