Comme dans les articles précédents, voici d’abord le texte de Theisz (dernière partie):

Nous allons à une ambulance au coin de la rue d’Angoulême et de la rue Folie-Méricourt. Il n’y avait pas de médecin ni ambulancier. Des blessés et des morts. Une seule femme jeune avec la Croix de Genève et une jeune cantinière étaient seules. Nous prenons un volet. Elle lui a lavé sa blessure. Il lui a demandé à l’embrasser. Ce qu’elle a permis. Nous l’emmenons à la mairie. En route Jaclard me dit Qu’avons-nous fait, nous avons laissé descendre Delescluze à la Barricade. Nous rencontrons Avrial. Vermorel perdait beaucoup de sang. A la mairie il vient un chirurgien de la Garde nationale. En entrant à la mairie les Gardes disent: Nous le vengerons! nous le vengerons! Nous étions arrivés par la rue Folie-Méricourt jusqu’à l’église Saint-Ambroise. On fait monter Vermorel dans le cabinet du maire. Arrivé là il vient un médecin de la Garde nationale, il ne trouve pas la balle qui était entrée et sortie. Jaclard pensait que la blessure était très grave. On vient le visiter, ce qui semblait le fatiguer parce qu’on lui parlait. Il me demande et me dit le boulevard n’est pas tenable, ne me laissez pas ici, ils vont peut-être venir cette nuit, ils me massacreraient. Si vous voulez, conduisez-moi chez Pain. Ferré vient et l’embrasse. Vermorel lui dit Oh vous voyez bien que la minorité sait se faire tuer pour la Commune. Ferré lui répond Des membres, mais pas tous. Nous l’embrassons tous. Nous prenons une civière, et nous partons avec 6 gardes, Theisz frères, Avrial et Jaclard. Il y en avait un qui nous accompagnait depuis le passage du Jeu de Boules; il me connaissait, sans doute un ancien compagnon d’atelier. Nous arrivons chez Pain. Nous demandons la concierge qui s’est mise très gracieusement à notre service. Nous n’avons pas vu Pain. Son père nous reçoit froidement. Avrial laisse de l’argent pour soigner Vermorel à la concierge. La concierge nous a offert un logement vide, — et on y a installé Vermorel, — en promettant d’être sa garde-malade. Après l’avoir arrangé de notre mieux il nous a demandé à le laisser reposer, nous faisant promettre d’aller le voir et nous l’avons embrassé et descendons à la mairie. Jaclard m’emporte mon couteau pour manger. Nous mourions de faim.

Au moment où ils enlevaient Vermorel pour le conduire chez Pain, ils ont appris la mort de Delescluze, qu’ils ont cachée au blessé.

Et le revoici, avec mes explications en bleu, et un peu de blanc, pour respirer:

Nous allons à une ambulance au coin de la rue d’Angoulême et de la rue Folie-Méricourt. Il n’y avait pas de médecin ni ambulancier. Des blessés et des morts. Une seule femme jeune avec la Croix de Genève et une jeune cantinière étaient seules. Nous prenons un volet. Elle lui a lavé sa blessure. Il lui a demandé à l’embrasser. Ce qu’elle a permis.

Nous l’emmenons à la mairie. En route Jaclard me dit Qu’avons-nous fait, nous avons laissé descendre Delescluze à la Barricade [dans leur action, aider Lisbonne, aider Vermorel, ils n’ont pas réalisé ce que faisait Delescluze]. Nous rencontrons Avrial [Augustin Avrial, membre de la Commune, élu du onzième]. Vermorel perdait beaucoup de sang. A la mairie il vient un chirurgien de la Garde nationale. En entrant à la mairie les Gardes disent: Nous le vengerons! nous le vengerons! Nous étions arrivés par la rue Folie-Méricourt jusqu’à l’église Saint-Ambroise [récapitulatif de l’itinéraire suivi: passage du Jeu de Boules, traversée du boulevard Voltaire, passage du Jeu de Boules jusqu’à la rue de Malte, celle-ci à droite jusqu’à la rue d’Angoulême (notre rue Jean-Pierre Timbaud), à gauche, traversée du boulevard Richard-Lenoir, première à droite ensuite la rue de la Folie-Méricourt (arrêt au coin où se trouve l’ambulance) jusqu’à Saint-Ambroise, puis le boulevard Voltaire jusqu’à la mairie, voir le plan dans l’article précédent].

On fait monter Vermorel dans le cabinet du maire. Arrivé là il vient un médecin de la Garde nationale, il ne trouve pas la balle qui était entrée et sortie. Jaclard pensait que la blessure était très grave. On vient le visiter, ce qui semblait le [Vermorel] fatiguer parce qu’on lui parlait. Il me demande et me dit le boulevard n’est pas tenable, ne me laissez pas ici, ils vont peut-être venir cette nuit, ils me massacreraient. Si vous voulez, conduisez-moi chez Pain [Olivier Pain, journaliste, ami de Vermorel — il avait combattu avec lui sur la barricade du Château-d’Eau dans la matinée, ce qui explique qu’il n’apparaisse pas dans le récit et y avait été blessé]

Ferré vient et l’embrasse. Vermorel lui dit Oh vous voyez bien que la minorité sait se faire tuer pour la Commune. Ferré lui répond Des membres, mais pas tous [l’antagonisme semble avoir été assez fort — Ferré pense sans doute à des cas précis — mais des majoritaires aussi se sont déjà mis à l’abri depuis longtemps (comme Pyat)]. Nous l’embrassons tous. Nous prenons une civière, et nous partons avec 6 gardes, Theisz frères, Avrial et Jaclard. Il y en avait un qui nous accompagnait depuis le passage du Jeu de Boules; il me connaissait, sans doute un ancien compagnon d’atelier.

Nous arrivons chez Pain. Nous demandons la concierge qui s’est mise très gracieusement à notre service. Nous n’avons pas vu Pain. Son père nous reçoit froidement [sans doute le père, qui abritait son fils blessé, ne voulait-il pas s’encombrer d’un deuxième communard blessé à cacher]. Avrial laisse de l’argent pour soigner Vermorel à la concierge. La concierge nous a offert un logement vide, — et on y a installé Vermorel, — en promettant d’être sa garde-malade [voilà une femme qui ne restera pas complètement anonyme: elle est nommée dans un récit d’Olivier Pain et Charles Tabaraud (auquel je reviendrai), Mme Mange — elle a soigné Vermorel avec Louise Chevallier, « la vieille gouvernante d’Olivier Pain »]. Après l’avoir arrangé de notre mieux il nous a demandé à le laisser reposer, nous faisant promettre d’aller le voir et nous l’avons embrassé et descendons à la mairie. Jaclard m’emporte mon couteau pour manger. Nous mourions de faim.

Au moment où ils enlevaient Vermorel pour le conduire chez Pain, ils ont appris la mort de Delescluze, qu’ils ont cachée au blessé.

Suite:

Lire les conclusions.

En savoir plus sur ce qui s’est passé ce 25 mai boulevard Voltaire.

Voir le document ici.

Livres et articles utilisés

Scheler (Lucien)Albert Theisz et Jules Vallès, Europe 499-500 (Novembre-décembre 1970), p. 264-272.

Lissagaray (Prosper-Olivier)Histoire de la Commune de 1871, (édition de 1896), La Découverte (1990).

Vuillaume (Maxime)Mes Cahiers rouges Souvenirs de la Commune (avec un index de Maxime Jourdan), La Découverte (2011).

Pain (Olivier) et Tabaraud (Charles)Les évadés de la Commune, série d’articles dans L’Intransigeant (1880).