Le cimetière du Père-Lachaise se trouve à l’est de Paris, moins à l’extérieur qu’au temps où il a été ouvert (l’enceinte Thiers et la forme de la ville ont déjà été discutées), mais à l’est quand même. Il se nommait d’ailleurs aussi « cimetière de l’est ».

L’image mise en couverture de cet article est extraite d’un plan de Paris de 1845, dressé par J. Andriveau-Goujon (et que l’on trouve sur Gallica, ici). On y voit bien, non seulement le cimetière du Père Lachaise, mais aussi le cimetière de Charonne (dont il a été question dans un autre article), oui, le début de la rue de Bagnolet s’appelait « rue de Fontarabie ».

Le bel hexagone régulier que l’on voit sur la gauche de cette image est… la prison des jeunes détenus, une des deux prisons de la Roquette (l’autre est en face).

Voici un extrait d’un autre plan, dressé sous la direction de Maltebrun en 1854 (toujours issu de Gallica).

PereLachaise1854Maltebrun

Comme toujours, il suffit de cliquer sur l’image pour l’agrandir.

Est de Paris, entre Charonne et Belleville, ce qui explique que le Père-Lachaise ait été un des derniers lieux de la bataille de mai.

Pour faire entrer le plan du cimetière dans le rectangle qu’est la page d’un livre sans trop perdre de place, il faut le tourner un peu et cela ne peut se faire en gardant le nord « en haut ».

La rotation utilisée met le mur des Fédérés en haut à droite de la page. Un mot sur le Mur?

C’est le long du mur de Charonne, à l’est, qu’ont eu lieu les exécutions dont nous avons parlé hier. Nous manquons de courage pour dépeindre ce spectacle de cent quarante-sept hommes fusillés sur place et exécutés les uns sur les autres.

Un cent quarante-huitième condamné avait rompu les rangs et s’était sauvé non loin dans une excavation; là, poursuivi, il a trouvé le même sort que ses compagnons.

C’est l’acte de naissance du mur des Fédérés, paru dans le quotidien La France, le 1er juin 1871 (il est inutile de dire que La France était un journal réactionnaire — le 1er juin 1871, il n’existait plus que des quotidiens réactionnaires), et cité dans l’hebdomadaire socialiste L’Égalité du 26 mai 1878. Le Mur était déjà consacré comme « lieu de mémoire » en 1900, puisqu’un guide de l’Exposition universelle cette année-là le présente, après d’autres lieux du cimetière, ainsi:

Le Mur des Fédérés.— à dr., au fond (demander au gardien). Tous les ans, le 28 mai, les révolutionnaires y vont déposer des couronnes rouges.

Le Père Lachaise fut l’un des derniers refuges des Fédérés de la Commune de 1871.

Dès le jeudi 25 mai, ils avaient installé tout près du monument du duc de Morny, qui servait d’abri aux munitions, une batterie de 10 pièces de 7 qui tirait sans relâche sur les quartiers de Paris déjà occupés par l’armée régulière.

Le samedi 27 mai, à la tombée de la nuit, un détachement du 47e de ligne fit irruption dans le cimetière, où l’on se battit furieusement. De nombreuses tombes gardent encore les traces des balles.

Le lendemain dimanche 28 mai, aux premières heures du jour, 148 prisonniers furent fusillés ensemble à l’emplacement devenu célèbre sous le nom de Mur des Fédérés.

Les cadavres furent enterrés dans une fosse creusée au pied de ce mur.

Delescluze, le dernier ministre de la Guerre de la Commune, a son tombeau tout près de l’emplacement où étaient installés les batteries d’artillerie fédérées.

Voici un plan du cimetière à l’usage des manifestants, publiés par le quotidien socialiste L’Humanité le 30 mai 1920 (le dernier dimanche de mai, on allait manifester au Mur, de cela aussi il faudra parler — je commence ci-dessous).

Huma20:05:30

Le journal est sur Gallica, là, le même plan se trouve aussi à la une des numéros correspondants des années 1910, 1911, 1912, 1919, 1923 et 1924.

Placer le plan dans un rectangle, mettre le Mur en haut à droite, c’est aussi ce que fait Danielle Tartakowsky dans son très intéressant livre sur l’histoire du cimetière. Ce n’est pas une raison pour écrire que le mur est au nord-est du cimetière, comme elle le fait aussi. Mais elle n’est pas la seule, loin de là!
Le mur est à l’est, à la rigueur au sud-est, mais pas au nord-est. L’erreur peut être due à la méconnaissance du quartier (même si c’est mon cas, tout le monde n’arpente pas la rue de Bagnolet).

Je crois plutôt à la superposition de deux images mentales,

  • celle de la Commune fuyant vers le nord-est, de l’Hôtel de Ville à la mairie du onzième, de celle-ci à celle de Belleville,
  • et celle des « derniers communards » acculés au fond du cimetière.

*

À tous les coupeurs de cheveux en quatre: la capitalisation « le Mur », « le mur des Fédérés » m’a été apprise par un correcteur professionnel et je n’en sortirai plus (sauf dans les citations, bien entendu). C’était à propos d’une histoire de manifestation au Mur, celle de 1935, dans un de mes livres. J’ai ensuite récidivé en racontant la manifestation au mur des Fédérés de 1936.

Enfin, pour les fétichistes et pour compléter le

De nombreuses tombes gardent encore les traces des balles.

de la description de 1900, une image de la tombe de l’écrivain Charles Nodier en 2016

DSCN7483

(cliquer pour grossir).

Livres cités ou utilisés

Tartakowsky (Danielle), Nous irons chanter sur vos tombes Le Père-Lachaise XIXe-XXe siècle, Collection historique Aubier (1999).

Paris exposition 1900: guide pratique du visiteur de Paris et de l’Exposition, Hachette (1900).

Audin (Michèle), Mademoiselle Haas, L’arbalète-Gallimard (2016), — Valentine, 24 mai 1936, Hors-Série « 1936 » de L’Humanité (2016).