Le 19 octobre 1870, l’armée prussienne quitte la ville de Châteaudun qu’elle a eu beaucoup de mal à conquérir. Après la bataille, elle s’est livrée à des représailles monstrueuses contre la population (civile).
La bataille de Châteaudun est un des rares « beaux faits d’armes » de la guerre franco-prussienne.
Dans cette visite au jour le jour de l’automne 1870, je parle peu de la guerre, je m’intéresse surtout à Paris pendant le siège. Je vais faire une petite exception pour cette bataille. Vous comprendrez assez vite pourquoi.
Châteaudun était une ville d’environ 6500 habitants, à 130 km au sud-ouest de Paris, dans le département de l’Eure-et-Loir.
Dans la bataille, il y a deux armées face à face. L’armée prussienne et, du côté français, essentiellement des francs-tireurs. Dès la fin du mois de septembre, un bataillon de francs-tireurs parisiens, sous le commandement du colonel Ernest de Lipowski, combat les armées prussiennes dans l’Eure-et-Loir, avec quelques succès.
Une fois que l’armée prussienne a repris Orléans, le 11 octobre, elle peut intervenir avec plus de force. La pression sur Châteaudun devient si forte que le conseil municipal veut rendre la ville. La population et la garde nationale locales le font changer d’avis et les francs-tireurs parisiens reviennent défendre Châteaudun. Où il y a donc, sous le commandement de Lipowski, des francs-tireurs parisiens (650), des gardes nationaux de Châteaudun (400), des francs-tireurs de Nantes, de Cannes, de Vendôme et du Loir-et-Cher, en tout 1255 combattants.
Notez que l’armée régulière française ne participe pas.
D’ailleurs un télégramme ordonne à Lipowski de se retirer sur Blois. Mais il refuse de quitter la ville sans combattre.
Les Prussiens échouent une première fois à la prendre. Ils reviennent et la conquièrent une maison après l’autre…
Les deux raisons pour lesquelles, malgré mon incapacité totale à raconter la guerre et les « beaux faits d’armes », j’écris cet article sur cette bataille, les voici.
La première: ceci montre, contrairement à ce que veulent croire Trochu et ses collègues du gouvernement, que les Parisiens peuvent se battre.
En récompense de ce beau fait d’armes — et de sa destruction, et de ses nombreuses victimes, civiles et militaires — la ville a été, quelques années après, décorée de la légion d’honneur. On a donné son nom à des rues de nombreuses villes — à Paris par exemple, où la rue de Châteaudun s’appelait, auparavant, rue du cardinal Fesch (un archevêque-cardinal-oncle-de-Napoléon-l’autre-le-premier).
Fier d’avoir participé à cette bataille, un des francs-tireurs parisiens donna même le prénom « Châteaudun » à son fils, né en juillet 1872 à Londres. Ce qu’il faisait à Londres? Eh bien, il était proscrit. Pourquoi? Parce qu’il avait été général de la Commune.
Il s’appelait Napoléon La Cécilia (et aurait donc dû se méfier des prénoms encombrants). Il parlait « toutes » les langues — il a enseigné le sanscrit et les mathématiques… il s’était battu avec Garibaldi en 1860, notamment lors de la prise de Palerme.
Napoléon La Cécilia est ma deuxième raison de parler de cette bataille.
Avant de quitter Paris avec le bataillon des francs-tireurs, sa femme Marie David et lui s’étaient mariés. C’était plus sûr pour le cas où Marie aurait été enceinte et son mari tué. Elle était, en effet, enceinte — mais j’ai déjà raconté ça dans un autre article. D’elle j’ai aussi publié une lettre à Louise Colet.
Napoléon La Cécilia, franc-tireur parisien et général de la Commune, est mort de la tuberculose, en Égypte, le 25 novembre 1878. Il avait quarante-trois ans.
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L’auteur de la lithographie « Défense de Châteaudun » n’est pas connu, mais l’image est au musée Carnavalet.
Cet article a été préparé en juillet 2020.
[Ajouté le 8 décembre 2020. Voir aussi la belle et excellente page des archives de Paris sur les cent cinquante ans de la guerre franco-prussienne et plus précisément son article sur le 19 octobre 1870.]