Voici, sur la photographie, trois livres. Voici, dans cet article, trois mots sur chacun de ces trois livres (ce qui fait quand même un bon millier de mots…). Fort divers, tous trois sont liés de près ou de loin à la Commune de Paris.
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Le livre de Françoise Tarade est une biographie romancée d’André Léo. Ou un récit biographique, comme l’indique la couverture. J’avoue que ce n’est pas mon genre préféré. Je préfère les romans. Ou même certaines biographies. Mais, comme me l’a écrit l’auteure,
J’ai voulu avant tout m’adresser aux gens, très nombreux, qui n’ont jamais entendu parler d’André Léo et non aux historiens ou aux spécialistes de la Commune comme vous l’êtes. Et je ne suis pas étonnée que vous ayez été agacée par beaucoup de choses.
[…] j’espère tout de même que les gens qui connaissent mal la Commune et pas du tout André Léo apprendront quelque chose grâce à [ce livre]. J’ai eu quelques retours en ce sens, la difficulté est de se faire connaître.
Évidemment, c’est elle qui a raison. D’ailleurs son livre ne se limite pas à la Commune. Et puis, il y a bien de la place pour plusieurs livres différents sur une personnalité aussi riche que celle d’André Léo.
L’éditeur ne fait aucune publicité à ses livres, vous n’avez donc sans doute pas entendu parler de celui-ci. Mais votre libraire peut vous le commander!
Je l’ai acheté en août, chez mon libraire. Quel plaisir que d’aller à la librairie!
J’y suis allée pour la dernière fois le 28 octobre.
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Pas tout à fait: j’y suis retournée le 12 novembre, mais là je suis restée dehors et j’ai récupéré des livres que j’avais commandés, parmi lesquels Dans l’enfer du bagne, un témoignage très émouvant d’Alexis Trinquet (si vous avez oublié qui était Alexis Trinquet, voyez cet article déjà ancien…). Je l’avoue, j’ai dû m’arrêter de le lire en marchant dans la rue parce que je pleurais en lisant son récit de son arrivée au bagne de Toulon.
Écrit en 1879, ce texte n’a été publié qu’en 2013. Ici, l’histoire du manuscrit elle-même est passionnante.
Non, ce n’est pas un livre qui vient de paraître, mais vous savez, le texte a cent quarante ans, alors il est toujours actuel… et je ne l’avais pas lu.
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Le troisième livre sur la photo, c’est Commune(s), de Quentin Deluermoz. Je l’attendais en avril. Mais y a-t-il bien eu un mois d’avril? Ah si, c’est le mois où est arrivé en librairie le livre d’Alix Payen (merci de l’avoir acheté en ligne chez votre libraire ou chez son éditeur! et si vous ne l’avez pas fait, c’est encore possible!). Mais celui de Quentin Deluermoz a été retardé, annoncé pour octobre, je ne l’ai pas acheté parce que l’auteur voulait m’en envoyer un. Cette fois l’éditeur a pignon sur rue et un service de presse (c’est le Seuil), mais un peu de mal à utiliser la poste. Bref c’était déjà novembre quand je l’ai reçu, grâce aux efforts de l’auteur (merci, Quentin). Le temps que je le lise… et voici quelques mots.
Pour donner une idée de ce qu’est cette « traversée des mondes », la citation qui fait démarrer le livre:
Lorsque je recopie mon rapport, j’entends brusquement des coups de canon. Je vais tout de suite à la poste, qui, fermée, ne prend plus rien. Je vais donc envoyer un télégramme, mais là c’est fermé aussi. […] dans chaque rue de la rive droite, me dit notre domestique étranger, on élève des barricades avec des roues, des pierres et des bois, les passants circulent avec mot de passe, il ne faut pas y aller seul […].
Et, comme le dit Quentin Deluermoz, la singularité de ce récit du 18 mars vient de la personnalité de son auteur, un interprète chinois de 23 ans, en mission diplomatique en France. Dans ce livre il y a donc un Chinois, mais aussi des journalistes étrangers qui font de la Commune, dit toujours l’auteur, un « événement médiatique global ».
Dans la première partie de son livre, Quentin Deluermoz parle donc « d’ailleurs », avec un point de vue souvent très original.
Le livre évoque ainsi d’autres insurrections que la Commune parisienne, à Alger, en Martinique, en Kabylie, pour l’espace colonial, et en France « métropolitaine » (le cas de Lyon est examiné dans le livre). Vous apprécierez certainement comme moi l’élégance ironique de la description d’un mouvement insurrectionnel de quelques heures à… Thiers. Je me demande tout de même si l’absence quasi-totale (et délibérée de la part du gouvernement versaillais) de « couverture médiatique » du territoire français ne manque pas un peu dans cette étude: n’était-on pas mieux, ou plus, informé à Londres de ce qui se passait à Paris que, disons, à Arcachon ou à Clermont-Ferrand? Par exemple, dans les pages consacrées à la poste, le fait que Theisz et la Commune, s’ils ont pu faire fonctionner le service du courrier à l’intérieur de Paris, ont eu beaucoup de mal à faire partir des lettres vers l’extérieur, aurait pu être signalé. De même, puisqu’il a été question plus haut d’André Léo, le fait que le texte adressé « Aux travailleurs des campagnes » n’a pu tenter d’atteindre ceux-ci que par des envois par ballons.
J’ai trouvé vraiment intéressant, dans Commune(s), le « Temps et espaces en révolution », dans la deuxième partie. Pas tant parce que Quentin Deluermoz y évoque Rigault et Varlin que parce qu’il y mentionne plusieurs autres trajectoires. Pourquoi, comment, devient-on, cesse-t-on d’être, communard? Voilà une question à laquelle la diversité des possibles réponses est un champ de recherches grand ouvert…
Ici, je m’élève contre la question, tant répétée (encore dans un article du Monde consacré à ce livre) qu’elle devient une affirmation (ou une négation…): « mais que peut-on dire encore sur la Commune? ». La Commune est, à la vérité, un des événements les plus mal connus, les plus mal étudiés, de notre histoire. Même sans aller jusqu’en Chine… Le nombre de dossiers d’archives (publiques) qui n’avaient jamais été ouverts et que j’ai consultés pour écrire une courte histoire (à paraître) de la seule Semaine sanglante le montre abondamment. Et, telle celle posée ci-dessus, les questions ouvertes sont nombreuses
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J’arrête ici. Voilà déjà trois livres que vous pouvez commander à votre libraire. Il y en a bien d’autres (je me suis limitée ici à ceux que j’ai lus récemment et qui avaient un rapport avec le sujet de ce site, la Commune de Paris).
Livres cités
Tarade (Françoise), André Léo, Ressouvenances (2020).
Trinquet (Alexis), Dans l’enfer du bagne, texte présenté par Bruno Fuligni, Les Arènes (2013).
Payen (Alix), C’est la nuit surtout que le combat devient furieux Une ambulancière de la Commune, Écrits rassemblés et présentés par Michèle Audin, Libertalia (2020).
Deluermoz (Quentin), Commune(s) 1870-1871 Une traversée des mondes au XIXe siècle, Seuil (2020).