Il y a bien eu une réunion de l’Académie des sciences le lundi 26 décembre — puisque c’était un lundi. Il faisait extrêmement froid, c’est pourquoi j’ai choisi cette date pour parler des températures de cet hiver 1870-71, selon les Comptes rendus de l’Académie des sciences. Mais en réalité, comme il s’agissait de la moyenne mensuelle, c’est seulement au début du mois suivant, le 2 janvier 1871, que cette moyenne a été évoquée — et comparée à celle d’années précédentes.

Nos lecteurs les plus fidèles n’ont certainement pas oublié que l’observatoire météorologique de Montsouris avait dû cesser de publier ses observations (voir notre article du 12 septembre). Mais il continuait à observer… ou du moins un de ses employés a continué à observer sans s’interrompre un seul jour, malgré la proximité des fortifications et, en janvier (j’anticipe un peu), le bombardement, dont je reparlerai, bien sûr, et qui fut particulièrement violent les 23 et 24 janvier.

Le minimum observé, le 24 décembre au matin, a été de -11°,7 [nombre donné par les thermomètres sous abri dans le jardin]. Le minimum de décembre 1869, à Montsouris, a été de -8°,3, et s’est produit le 5. Depuis une trentaine d’années, le minimum de température observé en décembre, à l’Observatoire de Paris, a été de -16°,9 et s’est produit le 20 décembre 1859.

Le froid de décembre 1870 a été plus remarquable par sa continuité que par son intensité. Sur les 31 jours de ce mois, 9 seulement ont présenté une moyenne supérieure à zéro. La moyenne de décembre 1869, à Montsouris, a été de +2°,75: cette moyenne est déjà inférieure à la moyenne habituelle; car en cinquante ans, de 1816 à 1866, la moyenne de décembre a été de +3°,54. La moyenne de décembre 1870 n’a été que de -1°,07, inférieure, par conséquent, de 3°,82 à celle de décembre 1869, et de 4°,61 à la moyenne des cinquante ans.

Puisque j’ai relevé dans les articles précédents les sujets « d’actualité » qui apparaissaient dans les débats de l’auguste assemblée (amputations de blessés, pain, viande, ballons, aurores boréales…), je remarque la semaine suivante (9 janvier) une proposition d’utiliser le fumier pour le chauffage dans Paris, et j’arrive, en anticipant toujours, je l’avoue, grandement, mais à cent cinquante ans de distance… au 6 février où le point peut être fait sur les températures de janvier 1871.

Eh bien, il a continué à faire froid, encore plus froid, même… Une autre source, notre ami Florent Rastel — pour changer du langage des académiciens — nous apprend (nous sommes aux alentours du 8 janvier):

Des enfants patinaient sur le petit bras de la Seine qui a gelé du pont Saint-Michel à Notre-Dame.

Nos académiciens confirment:

Le minimum, qui s’est produit le 5 [janvier], a été de -11,9°, inférieur, par conséquent, de 0°,2 au minimum observé le 24 décembre. La température, qui s’était élevée, le 15 décembre, jusqu’à 14°4, n’a atteint, en janvier, qu’un maximum de 6°7, le 22. La période de froid, qui avait commencé le 21 décembre, s’est poursuivie jusqu’au 17 janvier, avec une seule interruption de deux jours (les 7 et 8, dont la température moyenne a été respectivement de 3°45 et 0°90. Du 17 au 26 janvier (9 jours [vraiment?]), la température moyenne a été supérieure à zéro et a atteint, le 17, 5°05, jour le plus chaud du mois. Du 26 au 31, nouvelle série de jours dont la température moyenne est inférieure à zéro.

La température moyenne du mois, conclue de la demi-somme des maxima et minima diurnes, a été de -1°,39. Celle de décembre 1870 avait été de –1°, 07. La température moyenne de janvier, à l’Observatoire astronomique de Paris, pendant les cinquante ans qui se sont écoulés du 1er janvier 1816 au 1er janvier 1866, a été, d’après les calculs de M. Renou, de +2°,32. La température moyenne de janvier 1871 a donc été inférieure à la moyenne générale de 3°,71. La moyenne de décembre 1870 avant été inférieure à la moyenne générale de 4°,61, la moyenne température de ces deux mois a été de 4°16 plus basse que leur moyenne température pendant les cinquante ans.

Bref, non seulement il n’y avait plus rien à manger à Paris cet hiver-là, mais il y faisait vraiment très froid…

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L’image de couverture représente des ouvriers allant abattre des arbres désignés par l’administration parisienne pour le chauffage, la gravure, faite d’après un croquis de Loredan Larchey, est parue dans Le Monde illustré le 7 janvier 1871. Elle est donc, comme ce journal, sur Gallica, et plus précisément là.

Les données sont dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences, aussi sur Gallica, et précisément là pour ce volume de 1871.

Florent Rastel, comme toujours, vient du Canon Fraternité (ici p.380).

Chabrol (Jean-Pierre)Le Canon fraternité, Paris, Gallimard (1970).

Cet article a été préparé en mai 2020.