Encore des procès! Mais c’est que ça n’en finit pas. Les conseils de guerre siègent presque en permanence. Voici trois audiences du 4e conseil de guerre « consacrées aux communeuses ».

Nous sommes le 12 octobre. Il y a Marie Bouard, dont je vous parlerai un peu précisément dans les deux prochains articles. Et après elle, voici Alphonsine Blanchard. Le conseil de guerre je ne sais pas, mais le journaliste (du Petit Journal dans lequel je lis ces comptes rendus de procès) l’a déjà jugée:

Elle est âgée de vingt-cinq ans [vingt-sept, en fait] et parait appartenir à cette classe ouvrière de la barrière qui, trop souvent, a maille à partir avec la justice.

Hélas, la témouine à charge principale n’est pas là, on reporte donc à demain.
Nous voici donc le 13 octobre. « La Paysanne » (elle ne vit à Paris que depuis deux ans et demi) est condamnée, écrit ce même journaliste, à la déportation dans une enceinte fortifiée — il ne devait pas écouter, en tout cas, il rectifie le lendemain, cinq ans de réclusion.
Ce même jour, ce même conseil de guerre juge Béatrix Excoffon (Julia Béatrix Euvrié). Nous la connaissons. C’est elle qui nous a éclairés sur « les femmes du 3 avril« . Nous l’avons vue aussi intervenir au Club de la Boule Noire. C’est d’ailleurs ce qu’on lui reproche. Le journaliste ne résiste pas à un commentaire:

[C’]est une jeune femme assez jolie et dont la tenue est fort convenable.
C’est la nommée Euvrié (Béatriy-Julia) âgée de 23 ans [22 ans, en fait]. accusée notamment de complicité, par provocation, dans des discours prononcés dans une réunion publique, au crime d’assassinats et au délit de destruction d’un monument public [la colonne Vendôme, évidemment].

Entre autres horreurs, « la nommée Euvrié » a fait ouvrir de force un appartement, « de complicité avec une femme Poirier et en se servant d’une réquisition du sieur J. B. Clément, membre de la Commune ».
Elle est membre du comité de vigilance du 18e arrondissement.
Et du club de la Boule Noire où, le 26 avril, elle a proposé, non seulement la destruction de la colonne Vendôme, comme nous l’avons vu, mais aussi l’échange de Blanqui contre l’archevêque de Paris et l’exécution d’icelui si le gouvernement refuse. Il y a un « interrogatoire succinct », puis l’audition des témoins. Apparemment, ceux-ci ne disent pas exactement ce qu’ils avaient écrit — c’est-à-dire ce que la « justice militaire » avait écrit pour eux. Ils contestent la véracité de ce qu’a dit le rapporteur. Et ça énerve le président. Qui veut faire arrêter un des témoins, et déclare à une autre:

L’observation du ministère public est parfaitement juste; votre témoignage est faux; allez vous asseoir.

Le défenseur de Béatrix, qui est Me Haussmann, demande qu’on apporte du calme dans ces débats.

M. Le président. — Qui manque de calme, monsieur le défenseur?
Me Haussmann. — Je trouve qu’on envenime les débats en interpellant à chaque instant les témoins et en contestant leur déposition.
M. le président. — Soyez sans crainte, nous avons tous le calme nécessaire.
M. Gonin, commissaire de la République. — Le comité de vigilance avait un tout autre rôle que celui que lui assignent les témoins. Ce rôle était de rechercher et de dénoncer tous ceux qui ne voulaient pas faire partie de la garde nationale. M. le commissaire de la République possède, sur ce point, des renseignements précis.

Un témoin dit que l’accusée a demandé, au club, l’exécution de l’archevêque de Paris, si le gouvernement de Versailles ne rendait pas Blanqui.

L’accusée. — J’ai toujours tout avoué, or, voici la vérité: je n’ai pas fait la motion concernant l’archevêque de Paris, j’ai seulement fait voter par assis et levé, et l’assemblée a décidé à l’unanimité que Mgr Darboy serait exécuté; c’est la seule fois que j’ai présidé le club.

La « femme Euvrié » est condamnée à la déportation dans une enceinte fortifiée et à la dégradation civique.
Et le lendemain 14 octobre, devinez quoi, le 4e conseil de guerre, toujours réuni à Versailles, juge… enfin, « juge », encore une femme! C’est un peu toujours la même chose, sauf que, cette fois, nous avons droit à un peu de poésie.
L’accusée s’appelle Rose Violette, elle est défendue pas Maître Laviolette, qu’elle a rencontré sans doute en… Jardinand (puisque c’est son nom d’épouse, de veuve, même).
Et, par miracle, Rose Violette est acquittée!

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La violette de couverture vient de Gallica. Le titre signifie « Violette du caporal ». Je vous laisse découvrir la légende qui l’accompagne.