Voir la présentation générale dans le premier article de cette série.

Gabriel Labertrande, fils du cordonnier de Cavillargues et chasseur à pied, écrit à sa famille depuis le fort de Querqueville (qui défend Cherbourg) en janvier 1871. J’ai conservé l’orthographe de cette lettre (dont, contrairement à celles de Germain Dathie, ma source est le manuscrit).

Gabriel Labertrande

Fort de Querqueville le 12 janvier 1871

Bien cher frère

J’ai reçu hier ton aimable lettre avec beaucoup de plaisir, en voyant que vous étiez tous en bonne santé, et surtout quand j’ai vus qu’il y avait quelques sous, car j’en avait beaucoup de besoin, voila déjà huit jours que je suis malade et j’ai resté six jours sans pouvoir mangé à la gamelle enfin je ne mnge presque rien, tu sais que quand on a pas le sous et que l’on est malade on fait triste figure et surtout sans le pays ou nous sommes les vivre et le vin est tellement cher, que quand on à que le près c’est impossible de pouvoir y couté, mais enfin à présent je commence à allé un peu mieux je suis allé à la visite dimanche dernier, tout ce qu’il m’a dit le docteur il ma dit d’aller me coucher et de me mettre à la diète mais je n’avais pas besoin de sa visite enfin nous étions au moins deux cents à la visite, si nous restions encore quinze jours ici il en crèveraient moitié, je peut te dire que sur 1200 hommes que nous sommes ici il y en a huit cents qu’ils ont la dissenteries, enfin grâce à Dieu je pense que nous allons partir au premier et je crois que nous irons du coté de Dunkerque ou de Lille en Flandre, nous savons bien que nous serons plus près de l’ennemi, mais nous préférons mourir du feu que d’une maladie.
Cher frère je te disais que Granêt était prisonnier mais le lendemain que j’ai eu fait ta lettre j’en ai reçu une de lui et il ma dit qu’il n’avait jamais vu les prussiens et qu’il était toujours en bonne santé, il ma écrit de Chalindéry [Chalindrey] tout près de Langres, tu feras le compliment à sa mère de ma part. tu me dit que Bome est à Cavillargues blessé grièvement et Charavet aussi, c’est malheureux pour eux et que Bertrand est en permission malade en ce cas la Bertrand c’était engagé il devait faire un fameux soldat, tu feras de compliments à ses parents de ma part ainsi qu’a la famille Vallat.
Cher frère je te remercie de la petite somme que tu m’a envoyé tu remercieras Philomêne le frère Emile la cousine Fine ainsi que la nièce Léopoldine qu’il a épuisé ses etrènes pour moi, car d’est argent il me fera un grand service ce moment ci.
Je vous souhaite une bonne et heureuse année à tous et je désire que nous puissions nous revoir bientôt tu feras de compliment à Jaques e à Colombe au frère Emile et sa famille à Philomêne Fine Léopoldine enfin à tous les voisins et amis. Je te quitte en t’embrassant du fond de mon cœur ainsi que ta famille et je suis pour la vie ton frère

G.el Labertrande

adresse

Labertrande G.el soldats chasseurs à pied au 22e Bataillon de marche 3e compagnie 3e escouade au fort de Querqueville Dpt de la Manche à la suite du Battaillon

J’écrirais en arrivant à ma destination quant je serais arrivé bien cher frère

En suivant la chronologie, retrouvons Germain Dathie après la capitulation et la fin du siège.

Germain Dathie

10 février. — Je viens d’avoir le cœur bien soulagé en recevant de vos nouvelles. Je suis rassuré sur votre situation présente et suis moi-même en bonne santé malgré les privations du siège, ce dont je pourrai vous parler plus tard en détail. Je vous prie de ne pas m’attendre pour aller manger du boudin, car je ne pense pas pouvoir obtenir de permission avant la signature de la paix. Faute de boudin, j’espère pouvoir un jour aller manger de l’andouille.

2 mars. — Je suis toujours au fort de Vincennes, mais je crois que mon régiment quittera Paris aussitôt la paix signée. Malgré ce désastreux siège, la vie militaire me plait toujours, et si ma présence n’était pas nécessaire pour vous aider, je terminerais volontiers mon congé.

Entre cette lettre et la suivante, il y a le 18 mars. Après Thiers, son gouvernement, son administration et ses régiments quittent Paris pour Versailles.

21 mars. — Je profite d’un moment de repos, après huit heures de marche, venant de Paris et assis sur une borne à l’entrée de Versailles. J’écris rapidement au crayon, ayant pris la précaution de préparer une enveloppe. Je suis en bonne santé et vous donnerai des détails dans ma prochaine lettre.

Et nous lirons ces détails dans l’article suivant

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L’image du fort de Querqueville, en couverture, date du dix-huitième siècle et vient de Gallica.

Sources

La lettre de Gabriel Labertrande est conservée par sa famille, celles de Germain Dathie ont été publiées dans:

Lettres d’un chasseur à pied pendant le siège de Paris et la Commune 1870-1871 (recueillies par son petit-fils M. F . Bouchez), Comptes rendus et mémoires de la Société archéologique et historique de Clermont-en-Beauvaisis, tome 31 (1962-1964).