Au cours de l’été 2016, je cherchais des articles écrits par des communards proscrits et publiés (quand même) par des journaux en France (dans les années 1870, donc). J’ai passé beaucoup de temps la tête dans les lecteurs de microfilms de la Bibliothèque nationale de France.
Je n’ai pas trouvé tout ce que je cherchais mais, comme toujours, j’ai trouvé autre chose.

Cette fois, cette autre chose fut un feuilleton d’André Léo, Cendrine, ou au moins le début de ce feuilleton, paru en 1878. Le texte était réputé perdu. Je l’ai copié soigneusement et l’ai envoyé aux Amis d’André Léo.

Quelque temps après, j’en ai cité un extrait dans les Écrits d’Eugène Varlin, pour évoquer le travail des enfants — auquel les enfants Varlin avaient échappé (voir, dans quelques jours, l’épisode 4). Le livre est paru en 2019.

Encore un peu de temps a passé et j’ai écrit un roman qui peut être (aussi) considéré comme une suite — ou une fin — ou put-être même un début — de CendrineJosée Meunier 19 rue des Juifs. Voir l’article concluant ce feuilleton…

Car je vous le propose en feuilleton pour l’été. En effet, je trouve dommage que ce texte reste « inédit ».

L’histoire, qui est celle d’une « fille pauvre » dans un ménage d’ouvriers, se déroule à Saint-Denis pendant la monarchie de juillet. Avant la Commune, donc: les dernières pages sont consacrées à la révolution de février 1848. Je ne sais pas si André Léo avait écrit la suite, sans doute pas (sinon, pourquoi ne pas la faire paraître?) ou si elle écrivait au jour le jour. Si je comprends bien, elle était à Lugano et en train de se séparer de son ami Benoît Malon. Cela justifie des difficultés à terminer un roman.

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Voici maintenant le contexte de la publication, du côté du journal. Le journal dans lequel il est publié s’appelle Les Droits de l’Homme. Le titre a déjà existé, mais celui qui nous intéresse commence à paraître le 11 février 1876. Je vous laisse apprécier ses premiers mots:

Ce journal s’adresse à la démocratie. Nous voulons essayer, à l’heure, solennelle des élections générales, de signaler au parti républicain les dangers de la politique que ses chefs officiels lui ont imposée.
Aujourd’hui, on peut le dire, le parti républicain n’a plus de programme.

Le secrétaire de rédaction est Sigismond Lacroix, qui avait collaboré au Radical de Jules Mottu en 1871-72 et avait été élu conseiller de Paris (pour le quartier de la Salpêtrière) en 1875. Le premier éditorial est signé X… et attaque les « opportunistes », ceux qui ne voteront l’amnistie qu’ « en temps opportun » — c’est à dire jamais. Les suivants sont signés d’Yves Guyot, de Sigismond Lacroix et de X… Rapidement, le journal offre à ses lecteurs les plus fidèles, en prime, un roman de… Rochefort, Les Dépravés. On a vite reconnu ce même Rochefort sous la signature X. D’ailleurs, lorsque le quotidien, interdit, s’arrête au numéro 370, le 15 février 1877, il publie deux feuilletons, Le Juif errant, d’Eugène Sue et L’Aurore boréale, de X…y — qui est un roman de Rochefort.

Il est remplacé par un autre titre, Le Radical, en souvenir du Radical de 1871-72, du 19 février au 21 juin 1877. C’est seulement le 25 mars 1878 que Les Droits de l’homme reparaît, sous ce titre, et avec le numéro 371, à partir du 25 mars 1878, jusqu’au 3 juin — avec un éditorial signé W… (toutes ces initiales répondent en partie à ma recherche initiale d’articles de proscrits…).

Les Droits de l’homme publient Cendrine, d’André Léo, en feuilleton, dès le premier numéro. Le feuilleton s’interrompt (autant que j’aie vu, sans explications) le 22 avril 1878.

Je le publie donc, moi aussi, à partir du prochain article.

Une livraison tous les deux jours. Donc ça commence après-demain!

Avec des illustrations dues à l’artiste allemande Käthe Kollwitz (1867-1945),
qui a représenté, elle aussi, des « filles pauvres ».

Livres cités

Varlin (Eugène)Eugène Varlin, ouvrier relieur 1839-1871, Écrits rassemblés et présentés par Michèle Audin, Libertalia (2019).

Audin (Michèle)Josée Meunier 19 rue des Juifs, L’arbalète-Gallimard (2021).