Nous nous rendons à la mairie du vingtième arrondissement. Nous sommes le 15 mai 1880. La mairie, place des Pyrénées. Ce sera un jour la place Gambetta, mais ledit Gambetta, politicien « opportuniste » (ce qui veut dire qu’il attend le moment opportun pour voter pour l’amnistie des communards, par exemple), député de la circonscription, et président de l’Assemblée nationale, est toujours vivant. Mais, trêve de digression! C’est un samedi de printemps, la mairie est flambant neuve, il y a beaucoup de monde. L’adjoint au maire qui joue le rôle d’officier de l’état civil et va célébrer les mariages se nomme Auguste Vert (ce n’est pas encore une couleur politique).

Cela commence à 10 heures. Ça commence bien, pense peut-être Auguste Vert, en constatant que les quatre témoins et la mariée du premier mariage portent le même nom et que tous sont cousins — du marié aussi, forcément. Il marie ensuite un ciseleur et une cartonnière, puis… le frère de la cartonnière, qui est passementier, avec une fleuriste. Le mariage est une affaire de familles… À onze heures, c’est un peintre et une couturière, puis un charpentier et une lingère, nous sommes dans un arrondissement ouvrier, cela va se confirmer encore et encore…

Le couple suivant ne se présente pas. À onze heures et demie, un journalier et une couturière de trente ans profitent de leur mariage pour légitimer quatre enfants âgés de un mois à huit ans. Encore un couple défaillant, puis un couple de pelletiers, un peintre en bâtiment et une jeune femme « sans profession », puis un autre couple de pelletiers. Et ce n’est pas fini. Le registre indique toujours qu’il est midi et voici mieux que le frère et la sœur qui se marient le même jour, voici deux frères qui épousent deux sœurs!

Puis il sera midi et demie (et peut-être plus), mais attendent encore un tourneur et une brunisseuse, un autre tourneur et une dévideuse — et ceux-là ont un fils à légitimer –, une plumassière et un graveur, mais aussi le frère du graveur, qui est plumassier comme sa (future) belle-sœur et va épouser une passementière. Les suivants ne viennent pas, heureusement, parce que poireautent aussi un serrurier et une couturière, un miroitier et une lingère, un limonadier et une femme sans profession, une autre sans profession et le mécanicien qu’elle va épouser.

Et ce sera tout. Dix-neuf mariages qui ont failli être vingt-deux! La suite, lundi 17 mai, sera pour un autre adjoint.

Quant à nous, nous nous arrêtons aux mariages numéros 10 et 11: deux frères épousent deux sœurs. Les deux frères sont, dans l’ordre du registre des mariages, François et Jean Allemane. Les deux sœurs Eugénie et Marie Quénot. L’état civil, chez les Allemane, ce n’est pas simple, tout le monde s’appelle « pareil », tout le monde fait les mêmes choses…

Bon, laissons cela pour le prochain article!

À suivre

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Le dessin de couverture, projet de façade de la mairie du vingtième, est dû à Salleron et vient du musée Carnavalet.

La source de cet article est, évidemment, la lecture du registre des mariages du vingtième arrondissement en mai 1880 aux archives de Paris.