Selon le livre de Marcel Cerf, Maxime Lisbonne a parcouru la France comme comédien, jouant les rôles de Don César de Bazan et de Buridan. J’aurais bien aimé lire dans ce livre une source: je n’ai pas trouvé trace de cette activité dans la presse.
Puis il a joué aux Folies-Saint-Antoine.
Ce théâtre a commencé son existence sous le nom de « Petit-Théâtre » sur le boulevard Richard-Lenoir — qui lui même n’existe que depuis 1860 (vous savez, on a abaissé le canal et on l’a recouvert, ça avait été trop dur, en juin 48, avec le canal qui soutenait les insurgés sur les barricades de l’autre côté…). Au numéro 14, au coin de la rue Daval, très près de la place de la Bastille, qui justifie le nom de « Folies Saint-Antoine » qu’il a pris. Voici à quoi ressemble aujourd’hui ce lieu.
Qui en est propriétaire ? Qui en est directeur ? Qu’y fait Maxime Lisbonne ?
Ce sont des questions difficiles à trancher.
C’est un théâtre, on y joue des pièces de théâtre, on doit donc en parler dans les journaux. Je me suis offert un abonnement (cher) au site payant de la BnF « Retronews », je l’utilise pour chercher.
Le nom de Maxime Lisbonne apparaît une seule fois dans la période 1860-1870 (tous les journaux ne sont pas sur Retronews, mais il y en a beaucoup), après il apparaît plus souvent parce qu’il signe les proclamations du Comité central de la Garde nationale, mais nous n’en sommes pas là…
Il n’apparaît qu’une fois, mais c’est, justement, à propos de ce théâtre. C’est le 25 mai 1866 (avant la mort de sa mère, avant son mariage, voir la chronologie dans un article précédent) et on lit dans Le Droit qu’il a formé une société avec son père, sous le nom de « Lisbonne père et Cie », qui
a pour objet l’exploitation d’un théâtre sis boulevard Richard-Lenoir, 14
et le siège social est 10 rue Daval (c’est la même maison, nous pouvons en déduire qu’il y avait une entrée du théâtre sur cette petite rue).
Parfait.
Sauf que, si les journaux annoncent la réouverture du théâtre, en septembre 1866, Maxime Lisbonne n’est jamais nommé, ni comme directeur, ni comme comédien. D’après Marcel Cerf, il tient les rôles principaux des pièces qu’il met en scène. Je vois dans les critiques des journaux des « jeunes actrices jolies et intelligentes », un comédien nommé M. Vivier — à moins que… ah oui, le 3 décembre 1866, Le Soleil mentionne « le terrible zouave qui dirige ce joyeux théâtricule ».
De toute façon, ça ne dure pas, car le théâtre ne cesse, ensuite, de fermer, de changer de directeur, de rouvrir…
J’ai lu que Marcel Cerf faisait commencer la direction du théâtre par Maxime Lisbonne en mai 1868, j’ai vu que, comme il le dit, ce théâtre a donné alors un vaudeville nommé Les Métamorphoses d’Ovide, mais j’ai vu aussi dans les journaux que le directeur s’appelait alors Chéry selon les uns ou Paillard selon les autres. De toute façon, ça n’a pas duré et le théâtre a fermé et changé à nouveau de directeur.
Je veux bien croire, comme le dit Marcel Cerf, que Maxime Lisbonne est devenu rapidement la « coqueluche du public féminin ». Que la popularité lui est venue. Il est quand même bien étonnant alors que son nom n’apparaisse jamais dans les journaux.
Nous allons voir que, à son retour à Paris après la Commune et le bagne, les choses sont un peu différentes.
À suivre, donc
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La photographie du 14 boulevard Richard-Lenoir date de septembre 2022.
Livres cités
Cerf (Marcel), Le d’Artagnan de la Commune : le colonel Maxime Lisbonne, Éditions du Panorama (1967).