Suite de l’autobiographie de Charles Levaux (dans sa lettre au grand chancelier de la légion d’honneur). Il nous parle encore de 1848, puis de 1870 (toujours en vert, avec mes commentaires en noir).

Ce n’était pas davantage mon service de lieutenant [dans la phrase précédente, il était sergent], d’accompagner volontairement à sa gauche le colonel de Dragons, comte Goyon [il s’agit de Charles-Marie-Augustin de Goyon, un officier qui s’était « illustré » en juin 1848 avant de devenir une sommité bonapartiste — grâce, donc, mais le savait-il ? à Charles Levaux] qui se portait en avant de son régiment [le 2e Dragons] pour aller parlementer avec des révolutionnaires que je connaissais déjà pour les avoir combattus. C’est moi qui ai sauvé le colonel, ainsi que l’officier de ligne (placé à sa droite) d’un assassinat aussi certain que celui du Général Bréa, qui eut lieu le même jour [qui a été tué le 25 juin 1848 près de « la barrière de Fontainebleau », aujourd’hui la place d’Italie] à peu près à la même heure.

[Charles Levaux va maintenant sauter 22 ans. Je meuble cette pause de quelques informations « géographiques » et familiales. Charles Levaux avait succédé, comme avoué, à un Maître Delamotte, son étude se trouvait 43 rue du Bac. Il habitait à cette adresse lors de ces faits d’armes, puis quand il a épousé, le 18 janvier 1849, Félicie Parent, qui avait 23 ans et habitait pas très loin, 92 rue de l’université. Ils se sont donc mariés à la mairie de l’ancien 10e arrondissement. Et dans une église de ce quartier — qui n’en manque pas. Un de leurs témoins était François Nicolas Achille Garnon, qui a été député de 1834 au 2 décembre 1851. Ce qui nous incite à remarquer que Charles Levaux ne dit rien, dans sa lettre, de ses opinions lors du coup d’état napoléonien du 2 décembre 1851. En attendant, il a eu des enfants, au moins un fils en 1850 et deux filles, en 1853 et 1858.
Son étude s’est déplacée au 40 rue du Bac, puis, le 5 décembre 1853, au 7 rue des Saints-Pères (où il a vécu jusqu’à sa mort).
Ainsi, nous passons du 25 juin 1848 au 31 octobre 1870.]

Ensuite, M. Milliard, député [il s’agit de Victor Édouard Milliard, qui n’avait pas été élu le 8 février 1871 et n’était donc pas député au moment des faits relatés, qui a été député de l’Eure de 1887 à 1889 et ne l’était donc plus quand Charles Levaux écrivait], pourra affirmer que c’est lui qui, me reconnaissant le 31 octobre 1870 à la tête de la 8e Compagnie du 17e bataillon sur la place Vendôme, m’a prié d’entraîner ce bataillon vers l’Hôtel de Ville, afin de sauver le gouvernement provisoire [dont le nom était, je le rappelle, gouvernement de la Défense nationale], et surtout Jules Favre, qui y était prisonnier.

[Ici, je fais une petite pause à propos du 17e bataillon. C’est un bataillon du septième arrondissement. Charles Levaux, qui vivait du côté de la rue des Saints-Pères qui est dans le sixième, n’avait qu’à sortir de chez lui et traverser la rue pour se trouver dans cet arrondissement. Lorsque j’ai rendu compte à Maxime Jourdan, oui, j’ai lu le dossier de Levaux, j’ai ajouté, tu as remarqué que c’était le bataillon de Victorine ? En effet, Victorine Brocher, qui habitait rue de Beaune, non loin de Charles Levaux et dans le septième, a été cantinière de la septième compagnie de ce bataillon pendant le siège — pendant la Commune, elle avait trouvé mieux —, mais Maxime pensait à ce bataillon « comme à celui de de Crisenoy, le bataillon réactionnaire par excellence qui, avec le 106e, a fortement contribué à l’échec du soulèvement du 31 octobre ». Eh bien, nous y voici, au 31 octobre.]

Il [Milliard] ajoutera : que non seulement j’ai quitté ma 8e compagnie [il en était capitaine] pour me mettre en tête du bataillon à côté du Commandant de Crisenoy, mais encore que je suis entré à l’Hôtel de Ville par la porte Saint-Gervais [côté rue de Lobau], sabre en tête contre les Bayonnettes [je conserve, non seulement les capitales de ce monsieur, mais aussi son orthographe] des bataillons insurgés, notamment celui de Belleville [il y avait plus d’un bataillon à Belleville, et plusieurs étaient présents à l’Hôtel de Ville le 31 octobre].

[nous lirons la suite dans le prochain article.]

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Merci à Maxime Jourdan, à l’origine de cette série d’articles (et de pas mal des informations qu’elle contient).

Je ne résiste pas à mettre encore ici une image de 1848, qui « raconte » l’histoire du Général Bréa. Elle a dû paraître dans un journal mais je l’ai trouvée au musée Carnavalet.

Livre cité

Sénevas (Raoul Terrasson de), Le Siège de Paris 1870-1871, Souvenirs personnels d’un volontaire, Imprimerie d’Auguste Hérissey (Évreux) (1871).