Suite de l’histoire du drapeau rouge. Un article de 14 juillet!
1848. — Le 24 juin 1848, il flotte sur la mairie du huitième (cet arrondissement ancien regroupait le faubourg Saint-Antoine et les quartiers Popincourt, des Quinze-Vingts et du Marais). Sur les barricades, il accompagne souvent les drapeaux tricolores des ateliers nationaux — même s’il est bien rouge sur celles du faubourg Saint-Antoine. Il disparaît des rues de Paris après le massacre des prolétaires qui l’arboraient.
1851. — Ce n’est pas une surprise, mais il n’y reparaît pas au moment du coup d’état de décembre 1851.
Mais pendant ce temps… il devient un symbole international, grâce à Proudhon et Blanqui, dit Dommanget dans son livre sur l’histoire de ce drapeau.
1866. — Il est arboré comme étendard ouvrier par l’Association internationale des travailleurs lors de son premier congrès, qui a lieu à Genève en 1866.
1870. — Il n’est donc pas étonnant que la manifestation des internationalistes contre la guerre, en juillet 1871, le fasse reparaître dans les rues parisiennes. Quelques semaines plus tard, à la suite de « l’affaire de La Villette« , la police perquisitionne chez Eudes et y découvre des drapeaux rouges — vrai ou faux ? n’empêche, on le dit, on en parle.
4 septembre. — Il refleurit après Sedan. Et cela commence par une bataille rangée, au soir du 3 septembre, sur le boulevard Montmartre, au cours de laquelle la police saisit un drapeau rouge. On peut déjà se demander ce que la police en fait — ce qu’elle en a fait. Le lendemain, le « corps législatif » déclare « la déchéance », un homme retire le bleu et le blanc du drapeau au fronton du Palais-Bourbon — ce n’est pas si difficile, et je suppose qu’il a enroulé le bleu et le blanc autour de la hampe. Puis… eh bien, on se rend à l’Hôtel de Ville, et il y a, là aussi, des drapeaux rouges, et on en a même monté un sur le campanile, comme en témoignent, entre autres, les notes d’Adolphe Clémence
de 2 à 3 h manifestations contre l’Empire. Proclamation de la République. Visite de l’hôtel de ville envahi par le peuple. Scène du drapeau rouge
mais il n’y reste pas très longtemps. Pourtant, c’est bien une journée de drapeaux rouges, de celui, que l’on dit immense et qui se rend à Sainte-Pélagie, accompagné de six cents personnes, pour libérer « les prisonniers politiques » — c’est-à-dire surtout Rochefort (les internationalistes du procès de juin sont incarcérés à Beauvais) —, à tous ceux arborés par des groupes d’ouvriers ou de soldats que mentionne la presse.
31 octobre. — Et nous voici au 31 octobre. Dès le début de l’après-midi, un grand drapeau rouge accompagne des gardes nationaux à l’Hôtel de Ville et, à quatre heures et demie, un drapeau rouge est hissé à une fenêtre de l’édifice, selon La Presse du 1er novembre. La Patrie s’est souvenue (?), le 21 mars suivant, qu’il y avait eu là un drapeau rouge le 31 octobre. À vrai dire, les drapeaux des bataillons portent aussi du bleu et du blanc — on est en guerre… Remarquablement, s’il est peu resté sur l’Hôtel de Ville, le drapeau rouge flotte désormais sur le treizième arrondissement ! Voyez la proclamation du 101e bataillon (celui que commande Émile Duval) :
Le club révolutionnaire, siégeant en permanence avenue de Choisy, 190, adopte les propositions suivantes:
1. Le drapeau rouge étant le drapeau de la Révolution est désormais le drapeau national.
C’est entendu, le 31 octobre est un échec. N’empêche, c’est le lendemain de ce jour que paraît ce qui semble bien être le tout premier journal portant ce titre flamboyant (comme dit Dommanget), Le Drapeau rouge. Que nous devons à notre ami Gustave Maroteau.
Et que nous lirons dans le prochain article.
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Le tableau d’Adolphe Hervier, La Barricade, Juin 1848, que j’ai utilisé comme image de couverture, est au musée d’Orsay.
Livre utilisé
Dommanget (Maurice), Histoire du drapeau rouge: des origines à la guerre de 1939, Librairie de l’Étoile (1966)