Suite d’un article précédent.

Émile Duval habite maintenant 21 rue de la Glacière. Il sort de prison le 4 (ou le 5) septembre 1870 et organise son arrondissement. Pour l’instant, l’actualité est à « la patrie en danger », comme l’explicite le titre du journal d’Auguste Blanqui.

Il prend la tête d’une commission d’armement, dans le treizième, qui réclame des canons qui

permettront de délivrer notre pays, non seulement des Prussiens, mais de tous les tyrans qui, comme eux, voudraient empêcher la consolidation de la République,

ainsi qu’on le lit sur une affiche d’octobre 1870. Cette commission envoie des délégués au Comité central des vingt arrondissements (celui qui, en janvier, va écrire l’affiche rouge).

Il y a aussi le club de l’avenue de Choisy, auquel Émile Duval participe.

Le 31 octobre (voir la série d’articles consacrés à ce sujet, à Belleville et à l’Hôtel de Ville), le 101e bataillon de la Garde nationale prend le pouvoir à la mairie du treizième et y arbore le drapeau rouge. Une proclamation est lancée, dont voici des extraits:

Comité du XIIIe arrondissement

Le club révolutionnaire, siégeant en permanence avenue de Choisy, 190, adopte les propositions suivantes:

1. Le drapeau rouge étant le drapeau de la Révolution est désormais le drapeau national.

2. La levée en masse […]

3. L’élection de la Commune à raison de quatre membres par arrondissement.

Aux élections municipales qui ont lieu quelques jours plus tard, Émile Duval, présenté sur une liste socialiste-révolutionnaire, n’est pas élu.

Émile Duval et ses amis révolutionnaires du treizième fondent alors le « club démocratique et socialiste », qui a

pour but d’étudier tous les problèmes politiques et sociaux relatifs à l’affranchissement du travail et à l’émancipation des travailleurs, d’en poursuivre la solution par des moyens révolutionnaires et d’user de son influence pour provoquer l’insurrection du travail contre toutes les tentatives de restauration monarchique ou toute action d’un gouvernement quelconque qui pourrait arrêter ou différer l’avènement de la République démocratique et sociale.

Une vingtaine de ses membres signe l’affiche rouge du 5 janvier 1871,

Place au peuple! Place à la Commune!

Le gouvernement, lui, organise la défaite, par exemple en faisant massacrer mille cinq cents gardes nationaux lors de la bataille de Buzenval. Ce qui provoque une nouvelle tentative d’insurrection, le 22 janvier, à laquelle le treizième participe activement, en particulier par son 101e bataillon. Une fusillade place de l’Hôtel de Ville fait une trentaine de morts, dont le commandant Sapia, un ami blanquiste.

Le gouvernement ne réussit pas à dissoudre le 101e bataillon…

Si le 18 mars est une « révolution » sans insurrection et sans barricades, la période est révolutionnaire. Dans le treizième, Émile Duval prépare une prise du pouvoir. Dès le 25 février, où les bataillons de l’arrondissement vont défiler à la Bastille (pour l’anniversaire de la Révolution de 1848). Après l’armistice et l’occupation de l’ouest de Paris par l’armée prussienne, Émile Duval et son arrondissement sont en première ligne de l’attaque contre le gouvernement de Thiers. Le soir du 3 mars, 4000 gardes nationaux obligent 70 gardiens de la paix et 40 douaniers à quitter la manufacture des Gobelins en laissant un million deux cent mille cartouches sur place. Un parc d’artillerie « insurrectionnel » est installé place Jeanne d’Arc. Le lendemain, c’est la caserne de la rue Mouffetard qui est évacuée par les hommes « de l’ordre ». Émile Duval est choisi comme chef par les officiers. À partir du 5 mars, il signe ses ordres « le commandant en chef du treizième arrondissement ».

Vinoy donne bien l’ordre d’arrêter Émile Duval et ses camarades, mais comment faire?…

Émile Duval a vraiment pris le pouvoir. Et pas pour ne rien faire. Écoutez-le:

Les armes sont appelées à servir dans un moment plus ou moins rapproché, les officiers doivent réclamer à leurs gardes le nettoyage immédiat de leurs armes!

Il refuse de payer leur solde aux gardes qui ne veulent pas le suivre. Le 11 mars, il se fait confirmer son grade de chef de légion (d’arrondissement). Les plans blanquistes sont qu’Émile Duval commande la rive gauche et Eudes la rive droite.

Le 18 mars est ici préparé depuis trois semaines!

Nous avons vu Émile Duval se rendre à (et occuper) la préfecture de police ce jour-là.

(à suivre)

*

Comme les autres photos présentées avec ces articles sur Émile Duval, celle-ci est due à Charles Marville (qui photographia Paris avant et pendant les transformations haussmanniennes) et appartient à la Bibliothèque historique de la ville de Paris (site des bibliothèques spécialisées).

Elle représente la Place d’Italie, qui s’appela, brièvement, Place Émile-Duval. Voir aussi l’article consacré à cette place.

Livres utilisés

Andabri (Cyrille)Émile Victor Duval, ouvrier fondeur et général de la Commune, Le Peuple prend la parole (1978).