Après les deux articles de présentation d’Adolphe Clémence, son état civil et sa vie professionnelle, je commence à transcrire ici les notes qu’il a prises dans son agenda.

Ces notes commencent le 6 août 1870. Plus tard, il utilise les pages précédentes pour y écrire telle ou telle chose. Je remets (je tente de remettre) dans l’ordre chronologique. Comme toujours, mes commentaires sont en bleu.

Août

Samedi 6 août 1870. Anniversaire comme date et jour de mon mariage [Adolphe et Léonide se sont mariés le 6 août 1859, qui était aussi un samedi] l’esprit public est triste et inquiet

Dimanche 7. Assemblée extraordinaire à ma société de secours mutuelle [la société des relieurs, dont il a été question dans l’article précédent] en y allant j’apprend [sic] la perte de la bataille de Reischsoffen [Reichshoffen, voir l’image dans un article précédent, la bataille a eu lieu le 6 août] par Mac-Mahon, le désastre de Frossard, la mise en état de siège de Paris. Exaspération générale. Le soir manifestations imposante [sic] on demande des chassepots

Mardi 9. L’Empire aux abois invite les citoyens à se faire inscrire comme garde nationale [sic] la situation de nos armes est tellement grave que tout le monde (en grande majorité) s’empresse pour se faire inscrire Mais jusqu’à la fin du régime infernal [impérial?] on n’incorpore que ceux qui peuvent s’acheter un uniforme. [Cette note semble avoir été écrite plus tard?]

Samedi 13. Fête de mon père [Hippolyte Clémence, c’est la Saint-Hippolyte].

Lundi 15. Fête de l’Empire on n’ose chanter de Te Deum c’est une fête honteuse sans démonstration officielle On est convaincu que c’est la dernière [Le 15 août, anniversaire de la naissance de Napoléon Ier, populairement Saint-Napoléon. Remarquer que le coup de main blanquiste de La Villette n’apparaît pas dans ces notes (voir nos articles précédents)]

Dimanche 21. paiement de mes cotisations à ma société de secours mutuels On accorde des facilités ou des suspensions pour tous les sociétaires.

Dimanche 28. Visite de ma belle-mère [il s’agit probablement de la deuxième femme de son père: la mère de Léonide, Adèle Oblet, est morte le 9 mai 1869]

Septembre

Samedi 3. Visite au père Vinçard Pierre [sur ce journaliste et grande figure du mouvement coopératif, voir la notice du Maitron, la mention du « père » parce que Clémence était lié avec son fils aîné, aussi prénommé Pierre]

Le soir on apprend la reddition de Sédan [sic] avec 80.000 hommes le tout livré par L.N. Bonaparte l’homme au [sic] 7.500.000 oui du plébiscite du mois de mai dernier [sur le plébiscite du 8 mai 1870, voir les articles de La Marseillaise]

Dimanche 4. 10 h. du matin je manque d’être arrêté au poste de la mairie rue Drouot : des citoyens m’arrache [sic] des mains des sergents de ville

de 2 à 3 h manifestations contre l’Empire. Proclamation de la République. Visite de l’hôtel de ville envahi par le peuple. Scène du drapeau rouge

Lundi 5. permanence à la fédération des sociétés ouvrières [à la Corderie du Temple, sans doute]

Mardi 6. pluie réclamation demandant mon incorporation dans la garde nationale sédentaire dans laquelle je suis inscrit depuis le 9 août dernier

Mercredi 7. Dans une réunion publique tenue rue des Blancs-Manteaux à l’École des Frères je suis nommé membre du comité du IVe arrondissement

président de la réunion Albert Lévy instituteur, assesseurs G. Lefrançois [Gustave Lefrançais, l’orthographe du nom varie…] employé et Clémence

Vendredi 9. Élections des chefs de ma compagnie qui porta d’abord les désignations suivantes

7e Cie du 65e bataillon

2e   du 66e et enfin

2e Cie du 96e

Samedi 10. Varlin, Flourens et autres reviennent à Paris, soit de l’étranger ou de [un blanc] ou [sic] ils avaient été transférés [Eugène Varlin revenait de Belgique, où il était depuis la fin avril ou le début mai, « autres » désigne les emprisonnés du procès de l’Internationale, qui avaient été transférés à Beauvais, voir notre article]

Mardi 13. Revue de la garde nationale par le général Trochu. emplacement de mon bataillon : place de la Bastille

Grand enthousiasme

Mercredi 14. Ma première garde au poste de la Bastille devant la colonne. quatre heures de faction et accompagnement des personnes arrêtés [sic] chez le Commissaire de police escorte d’un convoi de poudre

Jeudi 15. relevé de garde à midi au lieu de 10 heures [rayé : premier jour du siège de Paris, il me semble que les indications sur le n-ième jour du siège, qui a commencé le 18 septembre, ont été ajoutées après]

Vendredi 16. Garde aux fortifications entre les bastions 10 et 11 situées [sic] entre les portes de Montreuil et de Vincennes [les bastions étaient numérotés dans le sens contraire des aiguilles d’une montre, en commençant à Bercy sur la rive droite de la Seine] parti le 16 à 7 he rentré le 17 à midi, 5 h de faction mot de passe : Niort

Samedi 17. [rayé : Deuxième journée] Le siège de Paris va commencer. Comment finira-t-il ?

Dimanche 18. paiement des cotisations à ma société de secours mutuels, peu de recettes, Chapalain aux fortifications [peut-être le trésorier?], 3 membres présents pour le Conseil qui ne peut avoir lieu, première journée du siège

Lundi 19. Toujours beau temps, 2e journée du siège de Paris

Mardi 20. Comme d’habitude exercice deux fois par jour, 3e journée du siège de Paris

Mercredi 21. [Rayé sixième] quatrième journée du siège de Paris

Jeudi 22. 5e journée du siège de Paris

Vendredi 23. Garde aux fortifications entre les portes de Charenton et de Bercy. Bastion n°2. Mot de passe : Caen

2h de faction dans le jour et 2h la nuit ces dernières en deux fois

Samedi 24. Relevé de ma garde à dix heures du matin, rentré à midi, 7e journée du siège de Paris

Dimanche 25. Courbature, [rayé 10] 8e journée du siège de Paris

Lundi 26. Exercice 2 fois par jour, le matin de 7 à 9h, le soir de 4 à 6h, comme tous les jours du reste, sauf bien entendu les jours et lendemains de garde

Mardi 27. Vers cette date, je suis allé m’inscrire à la statue de Strasbourg, place de la Concorde [ce qui montre qu’il n’a pas écrit ces notes vraiment chaque jour]

Mercredi 28. 11e journée du siège de Paris

Jeudi 29. Le beau temps qui se maintient depuis longtemps continue, [rayé 14e] journée du siège de Paris

Vendredi 30. garde aux fortifications entre les portes Montempoivre et St-Mandé. faisant partie d’un détachement de 50 hommes mis à la disposition de l’état-major du bataillon (campé au bastion n°8)

[page blanche avant le début du dernier trimestre]

Lanée éditeur

r. de la Paix 8

carte des environs de Paris, 2f gd aigle

1,50c

à la halle un chou fleur 1,50

«  « une botte de navets 1,50

«  « un pied de céleri 35c

(À suivre)

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Le carnet est aux archives de la préfecture de police (dossier Ba 1013), l’image de couverture, la garde nationale aux remparts, est une photographie d’une image publiée par L’Illustration en octobre 1870.